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Trace (México, DF)

On-line version ISSN 2007-2392Print version ISSN 0185-6286

Trace (Méx. DF)  n.84 Ciudad de México Jul. 2023  Epub Dec 11, 2023

https://doi.org/10.22134/trace.84.2023.871 

Sección temática

« Jouer pour de vrai » : Réalité de l’engagement physique et cadre fictionnel dans les jeux d’affrontement

«Playing for real»: The reality of physical engagement and fictional framework in confrontational games

Véronique Roussely*  

* Chercheure associée à l’UMR SENS-Montpellier 3, Francia, verossely@yahoo.fr.


Résumé :

Dans la région de Zitlala, au Mexique, se déroulent plusieurs fois par an des combats rituels où les protagonistes s’affrontent par paire, dans un échange de coups bien réels, sans toutefois rechercher la domination ou l’anéantissement physique de l’adversaire. À partir de l’étude de ce cas empirique - loin d’être une singularité régionale - on va, dans cet article, tenter de dégager des caractéristiques spécifiques de ces formes d’affrontements en s’inspirant de la notion du «jouer». On verra alors comment et dans quelle mesure ces confrontations, clairement délimitées dans l’espace et le temps, ne sont pas des combats fictifs ou de simples simulacres, mais procèdent d’une action authentique au sein d’un espace fictionnel qui crée les conditions permettant la construction d’un autre réel où l’échange de coups prend un sens distinctif.

Mots-clés : combat; jeu d’affrontement; jouer; cadre fictionnel; expérience corporelle

Resumen:

En la región de Zitlala, en México, tienen lugar varias veces al año peleas rituales en las que los protagonistas se enfrentan por parejas en un intercambio de golpes reales, sin buscar la dominación ni la aniquilación física del adversario. A partir del estudio de este caso empírico -lejos de ser una singularidad regional- intentaremos, en este artículo, identificar las características específicas de estas formas de enfrentamiento inspirándonos en la noción de «juego». A continuación, veremos cómo y en qué medida estos enfrentamientos, claramente delimitados en el espacio y en el tiempo, no son combates ficticios o simples simulacros, sino que proceden de una acción auténtica dentro de un espacio ficcional que crea las condiciones para la construcción de otra realidad en la que el intercambio de golpes adquiere un significado distintivo.

Palabras clave: combate; juego de confrontación; juego; marco ficcional; experiencia corporal

Abstract:

In the Zitlala region of Mexico, ritual fights take place several times a year in which the protagonists clash in pairs in a real exchange of blows without however seeking domination or physical annihilation of the opponent. From the study of this empirical case - far from being a regional singularity - we will, in this article, try to identify specific characteristics of these forms of confrontation by drawing inspiration from the notion of «play». We will then see how and to what extent these confrontations, clearly delimited in space and time, are not fictitious fights or simulacra but proceed from an authentic action within a fictional space which creates the conditions allowing the construction of another reality where the exchange of blows takes on a distinctive meaning.

Keywords: combat; fighting play; play; fictional framework; corporal experience

Au Mexique, dans la région du municipio de Zitlala, ont lieu à des dates précises différents types d’affrontements rituels où les protagonistes s’affrontent sans retenue. Malgré les risques physiques encourus, ces combats ne sont généralement pas considérés comme violents par les Zitlaltèques « parce qu’il n’y a pas de haine ».

Bien que revêtant des formes et organisations particulières suivant les villages et les époques, ces combats nous semblent suffisamment proches pour être étudiés conjointement, tout en les reliant aux multiples jeux d’affrontement existant ou ayant existé de par le monde et qui paraissent être une constante des sociétés humaines à travers le temps et les continents. Les sources historiques et ethnologiques abondent en effet d’exemples de pratiques corporelles d’affrontement montrant que de tout temps et en tout lieu les hommes ont « joué » à se battre dans des contextes et registres très divers - jeux populaires, célébrations rituelles - ne relevant ni d’une survivance guerrière ni du sport. Se déroulant en règle générale les jours de fête, sans aire de pratique définie et exempts de toute limite de temps, ces joutes s’octroyaient temporairement l’espace public, générant désordres et parfois rixes généralisées et se terminaient fréquemment autour d’un banquet où l’alcool se consommait sans retenue.

Frappés de nombreuses interdictions et sujets aux mutations sociales impliquant une pacification des mœurs (Elias 1973), la plupart ont aujourd’hui disparu et, parmi ceux qui ont perduré, nombreux se sont transformés en profondeur, adoptant les principes de sportivisation1 en vigueur. Cette métamorphose des jeux en sports est observable partout et s’inscrit dans un mouvement général d’euphémisation de la violence dans les pratiques corporelles (Elias et Dunning 1994).

Depuis les années soixante-dix, plusieurs auteurs2 ont mentionné les combats de Zitlala dans leurs travaux, les présentant comme des rituels agricoles d’origines préhispaniques en « danger de disparition ». Or, paradoxalement dans une communauté pourtant de moins en moins rurale, l’opposé s’est produit, suscitant même, depuis les années 2000, un véritable attrait parmi la population locale et régionale qui se presse en grand nombre pour y participer, tant en spectateur qu’en lutteur.

Les politiques patrimoniales, développées par les autorités municipales et régionales au tournant du xxie siècle, participent de ce renouveau ; toutefois, pour comprendre dans sa complexité ce paradoxe, il est apparu nécessaire d’élargir la réflexion au-delà d’une certaine doxa symbolique qui tend à privilégier le « dire » sur le « faire » en se concentrant, non pas tant sur la signification ou le sens de ces combats, mais sur l’observation des corps en action et l’expérience corporelle qu’ils induisent. Cette approche par le corps a permis de les « désingulariser » et d’en dégager des caractéristiques complexes et hétérogènes en s’inspirant de la notion du « jouer ».

Pour explorer ces pratiques humaines, aussi nombreuses que variées et longtemps délaissées par la recherche, je propose, à partir de l’étude empirique de ces combats rituels, d’apporter des éléments pour approfondir la réflexion sur ce que « jouer » peut vouloir signifier dans ce contexte de jeux d’affrontement ou, pour le formuler autrement, sur ce qui fait « jeu » dans ces combats. Aussi, plutôt que de vouloir restituer une origine « traditionnelle » à ces combats, on étudiera leur signification et leur actualisation à partir des dynamiques corporelles - l’acte de « jouer » - et de l’analyse minutieuse des interactions qui engagent le corps. Je pense, en effet, que cette dimension charnelle présente, en plus du discours des acteurs, un grand intérêt heuristique.

Dans un premier temps, on tentera de saisir l’importance des jeux d’affrontement dans les pratiques corporelles ; puis, après une présentation rapide des différentes formes d’affrontements de la région de Zitlala, on verra de quelle manière ces combats peuvent rentrer dans la catégorie du « jouer », avant de définir le cadre dans lequel s’exprime l’action. Ensuite, on analysera les gestes des peleas pour comprendre ce qui se passe dans ce cadre fictionnel où les acteurs se donnent de véritables coups sans pour autant « se battre pour de vrai ». Pour finir, on se penchera sur l’expérience corporelle et sensorielle vécue lors de ces affrontements.

Les jeux d’affrontement

Le passage du jeu « traditionnel » au sport moderne s’affirme au xixe siècle dans un contexte bien précis de développement de l’économie de marché et d’industrialisation de la société et se caractérise par une prise en main institutionnelle de la pratique avec l’établissement de règles écrites à vocation universelle, la mise en place de catégories dans un souci de parité physique entre les adversaires, la normalisation du jeu avec délimitation de l’espace et du temps, la rationalisation du geste et de la technique.

Les jeux non sportifs, multiples et disparates, ne se référant pas quant à eux à des entités formalisées, se transforment continuellement en se déclinant en d’infinies variantes. Néanmoins, comme l’a montré Sébastien Darbon (2014), on ne peut les considérer à partir d’une perspective évolutionniste où ils se réduiraient à une sorte de jeu archaïque ou primitif, et se succéderaient en s’enrichissant progressivement au cours des siècles pour devenir in fine des pratiques sportives. Ces jeux, ou rituels d’affrontement, ne répondent simplement pas aux mêmes règles ni aux mêmes finalités que le sport, bien que les deux systèmes puissent coexister et partager un certain nombre de traits communs, notamment autour de l’engagement physique.

Toutefois, même si elles ont été pour ainsi dire évincées ou marginalisées par la prédominance de l’institution sportive, certaines de ces pratiques réapparaissent et s’intègrent au goût du jour en mettant en avant une tradition ancestrale, parfois inventée, pour répondre au cahier des charges de la culture mondialisée. « Jeux traditionnels » que Pierre Parlebas (2016, 97) considère comme des « quasi-sports » :

Cette catégorie tend à se détacher de la multitude en cherchant à s’institutionnaliser comme le fait le sport mais sans y aboutir pleinement. Ces jeux sportifs traditionnels sont désormais sous la tutelle de fédérations, associations. Souvent riches d’une longue tradition de terroir et se voulant emblématiques d’une identité régionale, ces jeux s’affirment comme faisant partie du patrimoine culturel d’une région […]. Ils sont situés à mi-chemin du local et du mondial.

Mais outre cet engouement « culturel » circonstanciel, d’autres pratiques connaissent également un regain d’intérêt, tel le jeu de soule qui depuis les années 1980 se développe dans plusieurs régions françaises (Fournier 2009; Loudcher 2009). Organisée sous forme d’« autogestion physico-ludique », cette activité, revendiquée à la fois comme conviviale et « subversive » par les acteurs, tente de s’émanciper au maximum de certaines règles et contraintes omniprésentes dans la vie sociale - contrôle des gestes, du temps et de l’espace.

Parmi les jeux entrant dans cette catégorie figure le Calcio storico, jeu de ballon pratiqué en Italie, à Florence, au mois de juin et dans lequel des techniques de lutte libre sont largement employées ; le Kirkwall ba’game, observable durant les fêtes de fin d’année aux îles Orcades qui voient les habitants s’affronter âprement dans une mêlée générale pour la possession d’un ballon ; ou encore le Vât Câu au Viet Nam où, le 5e jour du 1er mois lunaire, il s’agit de placer dans le camp adverse une boule en bois de 17 kg dans de rugueuses confrontations.

Dans un autre registre, citons la réactualisation - ou la création - des batailles de nourriture, autrefois récurrentes lors des carnavals et fêtes populaires, en premier lieu desquelles on notera celle d’Ivrea en Italie où, en mars 2019, lors des jours gras, près de 50 000 participants regroupés par quartiers se sont affrontés à coup d’oranges (plusieurs centaines de tonnes) dans une ambiance joyeusement brutale. À Buñol en Espagne, depuis 1945, chaque dernier mercredi du mois d’août sert de cadre à la tomatina, gigantesque bagarre de tomates dont plus de cent soixante tonnes furent utilisées en 2019 par quelque vingt-deux mille participants3. Quoique sensiblement différents, mais se rejoignant par certains aspects - jeux avec utilisation de projectiles -, mentionnons les combats lithoboliques (avec ou sans frondes) entre villages, dont les Andes boliviennes et péruviennes sont le théâtre plusieurs fois par an, et qui, jusqu’à la fin du XIXesiècle, étaient familiers à de nombreuses régions, notamment dans le sud de la France (pedrades), en Espagne ou en Corée (Quisefit 2012).

Les exemples de revitalisation de pratiques anciennes, considérées désuètes jusque dans les années 2000, sont multiples comme la fête des pailhasses qui se tient chaque année à Cournonterral près de Montpellier, laquelle donne lieu dans tout le village à d’effrénées courses-poursuites dont le but est de s’enduire de lie de vin déposée à l’avance en plusieurs endroits. Cette fête connaît un succès populaire grandissant, à l’instar des courses camarguaises4 où il s’agit d’affronter des taureaux lâchés dans une arène ou encore, plus loin de nous, du Kôkpar5 au Kazakhstan, similaire au Bouzkachi6 afghan, jeu rude où les protagonistes à cheval tentent de s’emparer d’une dépouille caprine dans une lutte acharnée.

Ces quelques exemples nous montrent la diversité et le dynamisme des jeux d’affrontement que l’on peut assimiler à une catégorie de pratiques physiques « autrement agonistique ». Cette catégorie, qui relève aussi bien du combat que du jeu, se révèle difficile à penser tant notre imaginaire et nos conduites corporelles ont été, depuis près d’un siècle, colonisés par le sport hégémonique.

Cependant, malgré de grandes différences formelles, je pense que l’on peut percevoir entre ces pratiques pugilistiques une unité, non pas dans le jeu lui-même (game) mais dans le « jouer » (play) (Caillois 1957), c’est-à-dire dans l’acte, le processus, tel que le souligne Roberte Hamayon (2012) dans son étude sur les jeux sibériens.

Ainsi, ces jeux de combats, qui peuvent apparaître violents à certains égards, sont en réalité une activité sociale, il est vrai imprégnée d’une réelle rudesse, sous-tendue par un ensemble de règles tacites qui permettent d’atteindre ce que Claudie Voisenat (2019, 513) nomme « une sorte d’idéal du jeu qui se situe précisément à mi-chemin de la violence et de sa simulation ».

Les combats de la région de Zitlala

La région de Zitlala est située dans La Montaña, contrée rurale indienne de moyenne altitude particulièrement déshéritée de l’État du Guerrero. Cet État, lui-même un des plus démunis du Mexique en dépit de son attrait touristique important (Acapulco, Taxco, Ixtapa/Zihuatanejo) est confronté à une violence politique endémique sur fond de conflits agraires à laquelle s’ajoutent plus récemment des rivalités liées au narcotrafic.

Actuellement, de nombreux habitants y maintiennent une activité vivrière domestique qui leur permet peu ou prou d’assumer leur propre subsistance - maïs principalement, aliment de base au Mexique - mais dont la production demeure souvent insuffisante pour pourvoir aux autres nécessités du quotidien. De là, une constante émigration - saisonnière ou non - affectant pratiquement toutes les familles. Toutefois, cette mobilité n’a pas empêché que perdure une vie cérémonielle intense, ponctuée de très nombreuses fêtes. Au contraire même, car dans la plupart des cas, les migrants entretiennent des liens très étroits avec leur communauté d’origine et l’afflux de devises joue un rôle non négligeable dans la célébration de festivités à caractère souvent religieux et à l’intérieur desquelles les combats rituels occupent une place d’importance tout en se situant résolument hors du culte catholique : absence de symboles ecclésiaux (croix, saint, vierge…).

Il existe dans la région plusieurs types de combats où les protagonistes, regroupés par quartiers ou par villages et entre lesquels se trouvent également, en nombre moindre, femmes et enfants, s’opposent deux par deux, sans ordre établi, au sein d’un espace où n’existent ni règles écrites ni limite de temps. Durant les combats, les coups s’échangent sans retenue et le jour suivant la majorité des participants en gardent les stigmates : dents cassées, nez déplacés, hématomes multiples, entailles diverses et variées, mais tous s’enorgueillissent de s’être affrontés.

  • Le 5 mai (illustrations 1 et 2) qui marque la fin de la saison sèche, ce sont les combats dits de tigres où les participants7, la tête protégée par d’épais et résistants masques de cuir représentant généralement une tête de jaguar, s’assènent de violents coups au moyen d’une impressionnante matraque en corde nouée, la reata.

  • Le 25 avril à Pochahuisco (hameau dépendant de Zitlala) et les 2 et 3 mai (illustration 3), dans le village voisin d’Acatlán, d’autres tigres s’opposent mais cette fois en usant de leurs poings protégés par d’épais gants.

  • Les 2 et 3 mai, toujours dans le cadre d’une pétition de pluie, dans la localité de La Esperanza (illustrations 4 et 5), se déroulent des combats à poings nus réputés pour leur rudesse et leur large participation féminine.

  • Dans un autre contexte rituel, à mardi-gras, ont lieu les combats des Xochimilcas (illustrations 6 et 7) où des hommes des différents quartiers du chef-lieu, vêtus de l’habit traditionnel des femmes zitlaltèques, s’affrontent au cœur du village également à poings nus. Depuis les années 1980, les femmes et les enfants peuvent participer.

D’après plusieurs témoignages recueillis sur le terrain entre 2011 et 2013, certaines formes ont été abandonnées : au lieu dit Huitzacarrillo, où se tenaient tous les dimanches de juin à septembre des combats à poings nus entre divers quartiers de Zitlala, et à Teyapan, où les jeunes gens des villages d’Acatlán et de Zitlala s’affrontaient dans des combats lithoboliques avant que les señores le fassent à poings nus. Ils ont disparu dans les années quatre-vingt suite aux interdictions prononcées du fait de leur dangerosité et des dommages qu’ils occasionnaient aux habitations et aux cultures environnantes.

Illustrations 1 et 2 . Peleas de tigres de Zitlala (5 mai 2012 et 5 mai 2013). 

Illustration 3 Pelea de tigres d’Acatlán (3 mai 2012). 

Illustrations 4 et 5 . Combats à poings nus de La Esperanza (2 mai 2012 et 3 mai 2013). 

Illustrations 6 et 7 . Combats des Xochimilcas à Zitlala (8 mars 2011). 

Ces combats de la région de Zitlala ne sont pas rigidement standardisés et se déclinent de plusieurs manières. Néanmoins, en regard des variations et des différentes formes, on peut dégager des constantes et des traits communs qui permettent de les étudier à partir du « jouer » : aucune ambition d’être victorieux, de résultats ou de quête de classement, contrairement au sport où vaincre l’« adversaire » détermine l’enjeu ; autocontrôle implicite et absence d’animosité - pas toujours - entre des participants avant tout partenaires d’un même combat ; enfin, maîtrise communautaire sur le déroulement de l’événement. Et si d’une manière générale, les finalités des jeux d’affrontement pour les acteurs sont très variables et vont de pratiques rituelles ou propitiatoires au divertissement en passant par l’affirmation de la vaillance individuelle, d’un groupe ou d’une communauté, elles supposent nécessairement une réelle implication physique dans le combat, loin d’une représentation théâtrale ou folklorique.

Le « jouer »

Lors de ces combats où le gain d’une victoire et la suprématie physique ne sont pas les objectifs, les coups sont pourtant portés sans ménagement ; ce contrepied à nos catégories analytiques habituelles implique une autre signification des coups : on ne se trouve pas ici dans la logique du rapport de force observé lors d’un combat réel, dans la mesure où les acteurs ne cherchent pas à se neutraliser ou s’anéantir comme dans le cas d’une bagarre de rue ou d’un affrontement guerrier ; on ne se trouve pas non plus dans la logique compétitive du combat sportif, du fait notamment de l’absence de règlement institutionnalisé, d’entraînements spécifiques ou de déclaration de vainqueur venant conclure un affrontement. De même, on n’est pas en présence d’un simulacre de combat en raison d’un engagement physique bien présent où chacun des protagonistes se doit d’en accepter les aspects incisifs sur et dans son corps.

À partir du « jouer », on tentera ici d’analyser cet espace tout à la fois subtil et fluctuant mais en précisant au préalable, et de nombreux chercheurs l’ont montré, que si le « jouer » est une notion universelle présente dans toutes les sociétés humaines et animales, elle connaît de nombreuses variations selon les régions et les époques. L’importance du « jouer » chez l’homme est largement documentée depuis Johan Huizinga (1951 [1938]), qui en pointe l’antériorité sur la culture, et les travaux de Roger Caillois (1958) qui le classifie en quatre « catégories fondamentales » : agôn, alea, mimicry et ilinx. Pour Roberte Hamayon (2012), le « jouer » donne le cadre du jeu ; il est un agir, un « faire », selon ses termes, mais sur un mode « décalé ».

Le « jouer » se distingue donc de la réalité ordinaire et permet, à l’intérieur du cadre ou de l’espace social qu’il crée, de vivre une expérience physique et/ou mentale dans laquelle, le temps de l’affrontement établissant un autre niveau d’intensité entre le toléré et le tolérable, les interactions auront un sens différent que si elles s’étaient produites dans le flux quotidien de la vie. Pour Gregory Bateson (1956, 194), le « jouer » se situe dans cet entre-deux qu’il nomme la limbo zone (zone de limbe) où on peut « aller jusqu’à l’extrême limite d’un comportement sans entrer dans la classe suivante et sans risquer les conséquences inhérentes à celle-ci » (Piette 2005, 40). En l’occurrence ici, si les affrontements ne sont pas « pour de vrai », ils ne sont pas « faux » pour autant. « Ce qui est propre au jeu, c’est que ce terme désigne des contextes dont les actes constituants ont une pratique et une réalisation différentes de celles qu’ils auraient dans un cadre de non-jeu » (Bateson 1988, 132-33).

Pour revenir plus spécifiquement aux combats de la région de Zitlala, on peut les rapprocher de la catégorie de « combats figurés », proposée par Laurent Sébastien Fournier (2019, 455) à partir de l’expression «mock battle» - ou bataille simulée - issue de l’anthropologie britannique, qui tente de définir ces jeux d’affrontement consistant à « faire semblant de se battre ». Mais ce « fairesemblant » ne débouche pas obligatoirement sur un constat de duperie ou d’artificialité car, en jouant ainsi, les joueurs s’engagent physiquement dans le jeu ; ils agissent dans un cadre fictionnel, certes hors de l’existence ordinaire, mais dans la réalité physique des interactions corporelles.

Ainsi, ces différents combats sont à comprendre comme des expressions à l’intérieur desquelles se nouent des relations où prime avant tout l’aventure corporelle et où le sens du combat se partage dans l’action. « […] le faire-semblant doit être et demeurer un faire-semblant pour de vrai » (Lageira 2015, 163) afin que les acteurs jouent le jeu. Jeu par ailleurs non réductible à un divertissement et pourvu d’un cadre relativement large d’interprétation. Cette architecture mouvante et dynamique s’affirme en tant que création parallèle au réel et néanmoins imbriquée dans la réalité sociohistorique de la société dans laquelle il s’objectivise. Elle établit un autre registre de réalité où la « modalisation de l’action [ici l’affrontement] est rendue possible par l’instauration d’un cadre symbolique qui introduit un déplacement par rapport au cours ordinaire des choses » (Delchambre 2017, § 4). Et toute action qui sort du cadre sera mise « hors-jeu ».

Cadre fictionnel

« Roberte Hamayon rapproche le jeu de la fiction, ou plus précisément elle suggère que le cadre créé par/pour le jeu présente des affinités avec la fiction » (ibid. § 11). En s’inspirant de ses travaux, on tâchera dans un premier temps d’esquisser les contours du cadre fictionnel des combats puis on observera les gestes, les interactions qui s’expriment entre les individus à l’intérieur de ce cadre.

Dans le contexte des combats de la région de Zitlala, on se trouve dans « le registre de l’ambivalence, de l’entre-deux, de l’interstice » (Piette 1997, § 9) : il y a combat et non-combat. C’est-à-dire que l’on assiste à une :

coprésence simultanée (au même endroit et en même temps), dans un même geste, un même discours de deux termes qui paraissent incompatibles […]. C’est le cas de la production simultanée d’un geste agressif et du signal comme métamessage : « ceci est un jeu », l’un et l’autre aboutissant dans une situation réelle dans laquelle on se dispute et on ne se dispute pas (ibid. § 12).

Car si le cadre se dessine dans l’espace et le temps de la fête, y participent également l’action - le geste, le faire - et les interactions entre les acteurs qui donnent corps à cette réalité agonistique provisoire, à ce cadre fictionnel éphémère et fluctuant. À travers l’échange de coups réels, les protagonistes vont vivre une expérience corporelle sensori-affective dans une relation de réciprocité nécessaire pour rester à l’intérieur de l’espace fictionnel, sans basculer dans l’agressivité non contrôlée du véritable combat.

D’autre part, contrairement au sport, le cadre spatial n’est pas ici un lieu dédié à la pratique mais une appropriation temporaire d’une parcelle précise de l’espace public. En dehors de ce territoire concret, les acteurs retombent dans la réalité ordinaire. Ainsi, si dans le temps du « jeu » des combats se déroulent hors de la « scène », par exemple dans les rues adjacentes, les coups reprendront leur signification habituelle et seront perçus immédiatement comme une bagarre réelle et provoqueront ire et indignation. De la même façon, si des affrontements ont lieu hors du temps imparti au rituel, par exemple juste après, ils seront associés à une forme de violence. Le temps des combats est donc borné par un « avant » et un « après » - analysé ci-dessous brièvement - et hors de cet espacetemps, on quitte cette réalité alternative du « jouer ».

Dans le temps liminaire, les protagonistes se rassemblent chez le capitán, généralement un pugiliste reconnu et respecté qui s’est employé pendant plusieurs jours à lancer les invitations. Au fur et à mesure de l’arrivée des futurs combattants à qui il offre un repas, parfois au son d’une fanfare selon ses possibilités financières, l’ambiance monte en intensité, favorisée par une abondante consommation de mezcal8 et de bière. C’est le moment où le groupe se constitue : on se compte, mesure sa force, se prépare mentalement.

Dans le temps d’après le rituel des combats, les groupes ne s’attardent pas sur les lieux et regagnent rapidement leurs quartiers ou villages respectifs pour fêter chez le capitán, dans l’entre-soi, non pas une victoire mais l’action commune, la fin du jeu qui a nécessité une grande dépense d’énergie et implication corporelle de tous les acteurs.

Si à l’intérieur de cet espace-temps au sein duquel se déroulent des combats où gestes et interactions ont un sens différent de la réalité ordinaire, on ne peut pour autant les qualifier de factices ou de simulés. Car le cadre fictionnel permet justement la création d’une réalité construite à laquelle il faut se donner pour y croire - un coup de poing, rituel ou non, restant un coup de poing - et qui de fait va transformer le sens d’interactions vécues du quotidien - se battre - en autre chose qui n’est pas vraiment se battre. C’est-à-dire que si le geste demeure le même, l’interprétation, elle s’en différencie. C’est précisément le cadre fictionnel qui donne le sens à cet entre-deux où on ne se trouve pas plus en présence d’« un vrai combat » que d’un non - ou faux - combat.

La notion de « fiction » est difficile à cerner et ne se réduit pas à l’opposition fiction/réalité ou fiction/vérité (Colleyn 2005, 148). Polysémique, elle tente de définir l’espace mouvant entre la réalité et l’irréel et, contrairement aux acceptions du sens commun, on doit l’entendre dans celui de fabrication ou de construction et non en termes de faux ou d’invention (Leservoisier 2005, 17). Et si le procédé littéraire relatif à la fiction a été amplement étudié, qu’en est-il lorsque celle-ci s’expérimente dans la chair et y laisse des traces bien réelles. Peut-on parler d’une expérience corporelle fictive ?

En reprenant l’approche de Roberte Hamayon (2012), on peut avancer qu’il ne s’agit pas de combats fictifs ou de combats-fictions à plus d’un titre, en particulier par le fait qu’ils induisent un engagement et des conséquences physiques bien concrets où, comme dans le jeu, leur déroulement se révèle incertain. Aussi, à l’inverse de la fiction qui est par définition achevée et sur laquelle on ne peut agir, ils sont un agir en train de se faire et pour cette raison « jouer » se trouve être un acte établi dans un cadre fictionnel et non une fiction en soi. En ce sens, ces combats, loin d’être feints, procèdent d’une action authentique dans ce cadre oscillant entre le ludique et le rituel mais qui donne les conditions offrant un moyen d’atteindre, pour reprendre Claudie Voisenat (2019), « une complicité, d’esprit mais aussi de corps, qui permet à chacun de porter et recevoir des coups qui ne seraient pas acceptés » dans un autre contexte. Une complicité « qui permet aussi d’accepter d’avoir mal, voire d’être blessé, sans en tenir rigueur à l’autre » (513).

Par ailleurs, l’ivresse importante participe pleinement de la création de ce moment, elle le sublime même, et est d’une certaine manière confortée par des autorités municipales offrant « rituellement » vingt litres de mezcal aux groupes de combattants. Si nombre d’entre eux s’enivrent pour se donner du courage, pour apaiser la douleur des coups, pour dominer la peur, elle concourt par là même à l’action collective et permet l’expression d’une identité temporaire, libératrice des pensées et des sentiments. Toutefois, cette situation volontaire et potentiellement explosive nécessite un strict autocontrôle pour ne pas s’affranchir des limites de l’affrontement et verser dans des comportements non conformes au cadre rituel.

Cette ivresse collective et l’énergie qu’elle induit grisent même celui qui n’y participe pas et s’opposent radicalement au domaine sportif où le pratiquant en état d’ébriété perd de sa précision technique - et donc une grande partie de son efficacité - et sort du cadre de la situation exigée.

Analyse des combats rituels de Zitlala

L’ observation attentive des gestes du combat sera déterminante pour comprendre la perception de la réalité corporelle qu’elle conditionne tout en essayant de répondre à ce paradoxe : comment peuvent s’échanger de véritables coups sans pour autant se battre « pour de vrai ».

L’usage de la force

Lorsque l’on regarde les combats de Zitlala pour la première fois, on est étonné de la vigueur des coups de poing ou de reata9 portés avec toute la force dont le corps est capable sur le moment. Fuerza, fuerza entend-on parmi le public si l’échange lui paraît trop tendre.

Néanmoins, comme je l’ai relaté ailleurs (Roussely 2018, 253), la notion de force n’est pas à confondre avec celle de puissance. L’usage brut de la force - sans le sens de brutalité - est rendu ici possible par le faible recours à des techniques pugilistiques, contrairement à la rationalité sportive, et l’analyse des gestes des combattants montre très peu de coups directs d’un grand pouvoir percutant mais plutôt des mouvements amples et circulaires qui atteignent leurs cibles, tête et haut du corps essentiellement, presque toujours en fin de course.

L’impact des coups n’est donc pas techniquement optimisé et peu traumatisant, à la différence là aussi du domaine sportif où donner un coup puis-sant10 nécessite un entraînement - plus ou moins poussé selon les ambitions du pratiquant - mais toujours dans le sens d’améliorer le geste technique pour atteindre une élévation de cette puissance.

De plus, dans les différents combats du municipio11 de Zitlala, la variabilité de l’espace de combat d’un lieu à l’autre - fixe et délimité dans le cadre sportif - ajoute un handicap à l’efficacité pugilistique, tel qu’on peut l’observer à La Esperanza où le combattant doit veiller constamment à maintenir son équilibre sur le sol instable du champ labouré, ou dans les combats des xochimilcas de la cabecera qui doivent prendre en compte la mobilité de la foule sur le zócalo12. La puissance du coup se dilue alors dans d’autres mouvements, à l’opposé de l’acte sportif où les acteurs se concentrent exclusivement sur l’efficience de leurs gestes. Et si à Zitlala, entraînement et performance ne figurent pas au registre des protagonistes, le combat en soi exige tout de même une certaine connaissance de l’affrontement car se battre sans techniques sportives appropriées n’implique pas de le faire n’importe comment et ne sous-entend pas non plus une faiblesse des frappes. Hématomes, entailles et blessures diverses sont d’ailleurs là pour témoigner du contraire.

En définitive, l’échange de coups - donner et recevoir - est un point fondamental pour les acteurs et présuppose le non-emploi des techniques de défense que sont les esquives et les blocages. Face à ce handicap consenti, le combattant de Zitlala se montre tel un homme courageux sans crainte de la confrontation et qui, bien qu’étant ni habile technicien ni tacticien, possède cette maîtrise sur la peur face aux coups adverses, une des clés de l’affrontement quand il s’agit d’accepter d’en recevoir autant que d’en donner, comme nous l’explique un pugiliste notoire :

Imagine qu’on te donne un bon coup et que toi tu n’en rends aucun, l’autre prend de suite l’avantage. Mais si on te frappe fort et que tu réponds aussi fort, alors tout s’équilibre. Ensuite, le coup suivant, il te le donnera plus tranquillement parce qu’il se sent moins sûr de sa force, car tu lui as rendu la pareille13.

Tout le contraire évidemment pour le pratiquant de sports de combat ou de boxe sportive qui cherche à éviter autant que possible les coups, et qui, pour cette raison, trouve difficile de rentrer dans de telles catégories d’affrontements. Rares d’ailleurs sont ceux qui ont tenté l’expérience et n’ont pu que constater leur inexpérience face au stoïcisme indispensable à l’acceptation des coups.

Toutefois, l’absence d’esquive ou de blocages n’est pas absolue car le combattant ne s’offre pas délibérément ou passivement aux poings de l’autre. Il rend ce qu’il reçoit. Dans ce contexte, l’aspect technique de recevoir, bien que limité, peut s’observer chez les plus expérimentés en accompagnant le coup pour réduire l’impact, tandis que d’autres, moins aguerris, évitent les frappes en reculant d’une manière instinctive. En résumé, les notions d’« esquive travaillée » ou de blocage existant dans la plupart des formes de combats sportifs ou guerriers n’ont pas ici de raison d’être et encouragent parfois le public à conspuer celui qui cherche par trop à se soustraire aux coups.

Aguantar

« Endurer, encaisser » - «aguantar» en espagnol - est une autre notion que l’on peut dégager de l’observation des combats.

Cette idée d’endurance est très présente chez les combattants, ne serait-ce qu’à l’occasion des parades qui précèdent les affrontements où, tout en dansant, ils parcourent des heures durant les chemins escarpés de leurs quartiers respectifs. Mais, en dehors du fait d’accepter de recevoir les coups, comme évoqué précédemment, elle touche également l’aspect du temps du combat dont les seules limites, à l’inverse là encore du champ sportif où le contrôle du temps est primordial, sont le fait du renoncement d’un ou des deux protagonistes, et impose de faire preuve de résistance aussi longtemps que coure le combat qui peut parfois s’éterniser au-delà des cinq minutes.

Mais aguantar implique en outre la capacité de prendre sur soi, de se contrôler, d’autant plus dans cet espace-temps extrême qui requiert de maintenir le climax nécessaire à la rencontre sans tomber dans la bagarre générale, jamais très loin. Plus encore, le terme suppose non seulement une collaboration de tous les participants à préserver cet équilibre des forces pour permettre au combat de se poursuivre - « pour faire un beau combat » - tout en contrôlant ses émotions et pulsions naturelles - colère, énervement, etc. - mais aussi, sur un plan purement technique, d’exercer un contrôle permanent sur soi-même pour garder l’avantage sur son vis-à-vis sans pour autant le « démolir », ainsi que l’exprime un capitán de La Esperanza :

Parfois, ce n’est pas nécessaire de taper trop fort, il faut savoir aguantar. Par exemple, lorsqu’on t’a collé quelques bons coups mais que tu tiens le coup ; l’autre en face va alors se dire « celui-là je lui en ai balancé des bonnes mais il montre qu’il ne va jamais céder, alors j’arrête car à quoi bon continuer »14.

Et bien que les combattants soient adversaires au moment de l’affrontement, ils participent d’une même « performance » et la relation d’opposition, plutôt que de sous-entendre une dissymétrie entre gagnant et perdant, s’inscrit au contraire dans une relation de coopération collective essentielle au bon déroulement de la rencontre dans laquelle aucun profit n’est à tirer quant à dominer l’adversaire. Par ailleurs, si le cadre fictionnel qui permet le « jouer à se battre » se situe dans une zone de limbe (voir supra) fragile et délicate, où l’on cherche à atteindre l’acmé sans céder au polemos (guerre), cette attitude nécessite un autocontrôle collectif puissant que l’on a pu constater en de maintes occasions où les observateurs sur le terrain réagissent comme un seul homme dès que l’affrontement sort du cadre, quand, par exemple, un combattant continue de frapper son vis-à-vis alors que celui-ci ne peut plus prendre part à l’échange ou se trouve en mauvaise posture.

Après avoir délimité le cadre qui permet de « jouer à se battre » et la manière de donner de véritables coups sans pour autant détruire ou anéantir son adversaire, on va à présent s’interroger sur le « pourquoi » en s’efforçant d’apporter des éléments de réflexion sur le « jouer » plus généralement et chercher à approfondir cette question, non pas à partir d’une approche symbolique mais à partir des expériences corporelle et sensorielle enchevêtrées qu’induisent ces combats. Et si certaines de ces peleas sont rentrées dans un processus de patrimonialisation, ces combats permettent, au travers du vécu de la plupart des protagonistes, une nouvelle subjectivité autour du devenir, de se sentir et être perçu comme un « combattant », ce qui d’une certaine façon déplace la problématique de l’efficacité rituelle et de ses resignifications dans un contexte de moins en moins rural auquel ils s’identifiaient jusqu’alors.

Expérience corporelle et sensorielle15

L’expérience corporelle du jeu-combat est un en-soi sensori-affectif très prégnant qui permet au sujet de se transformer en se plaçant en situation réelle d’affrontement et, d’une manière générale, s’apparente à un « espace de vérité » où sont engagés et mobilisés de nombreux ressorts de notre sensibilité physique et psychique.

À Zitlala, l’épreuve des combats, en tant que « parcours charnel », permet d’intérioriser un modèle particulier de comportement où s’expriment la vaillance, l’endurance, la force, autant de « sensations paralinguistiques » pouvant se réfléchir dans les interactions sociales, tant chez les combattants que sur les autres acteurs périphériques, et contribuant à consolider l’appartenance communautaire.

Techniques de soi

Cette confrontation physique peut se comprendre comme une « technique de soi sur soi » dans le sens où l’entendait Michel Foucault (1994), c’est-à-dire les diverses façons dont les êtres humains agissent sur eux-mêmes et par lesquelles les acteurs rentrent dans un processus de construction d’une subjectivation qui s’appuie sur l’expérience corporelle. Et comme le fait remarquer Jean-Pierre Warnier (2002, 5) : « Les sujets ne sont plus exactement les mêmes après et avant ces actions », surtout lorsqu’elles sont renouvelées. Il est certain en effet qu’après le combat, au-delà de la satisfaction de l’avoir mené à terme, le pugiliste s’est « distingué » et ne se sent plus tout à fait le même. Il a dû, pour ce faire, surmonter l’appréhension des coups, dominer la douleur, contenir la peur, notions d’autant plus difficiles à maîtriser - notamment la première fois - qu’il n’a pas recours à un entraînement pour acquérir de telles dispositions corporelles et mentales. Cette expérience esquisse de nouvelles perceptions ressenties par tous les combattants impliqués régulièrement et affûte certaines de leurs facultés sensorielles qui peuvent rejaillir en d’autres circonstances de la vie sociale. De nombreuses études montrent en effet qu’une pratique corporelle suivie, notamment dans le domaine des arts martiaux et des sports de combat, entraîne sur le pratiquant des transformations dans son rapport au monde et qui, se reflétant sur sa personnalité, les vit souvent comme une véritable technique d’amélioration de soi.

À Zitlala, les combattants apprennent à connaître les coups, non pas tant dans une maîtrise technique, mais plutôt dans l’expérimentation, dans leur chair. Cette mise en situation « sans colère et sans haine » d’une situation de combat a des effets qui vont au-delà des mots où l’on découvre, où l’on apprivoise des sensations, où s’inscrit dans l’inconscient un bagage mémoriel qui s’identifie à une leçon de vaillance. Les acteurs engagés affichent cette conscience que l’expérience des combats les marque dans leur subjectivité et transmet un savoir-être et un savoiragir sous la forme d’un comportement et de présentation de soi. Plusieurs d’entre eux m’ont raconté que cet esprit de détermination leur avait sauvé plusieurs fois la mise : « dans la vie, quand tu montres que tu es vraiment prêt à te battre, beaucoup tournent les talons. Ça évite des problèmes »16.

Dans ce processus de subjectivation, les combats sont un passage obligé. On ne devient pas un tigre de Zitlala seulement en se couvrant la tête d’un masque, ou un « xochimilca » en portant la enagua, jupe traditionnelle zitlaltèque ; il faut d’abord se battre, s’engager physiquement. C’est la condition première pour être un combattant, pour soi et pour les autres.

Toutefois, si c’est une expérience de constitution individuelle d’un sujet, c’est aussi une conscience incarnée de sa potentialité en tant que groupe social, et donc en tant que groupe de pression. Dans ce sens, les combats alimentent à la fois des relations individuelles et collectives tout en induisant un dynamisme social intracommunautaire et renforcent par cette interaction la cohésion et l’esprit de solidarité du groupe face au monde, et aussi face à l’arbitraire des autorités.

À Zitlala, cette expérience permet aux habitants de certaines communautés avoisinantes, de par leur présence massive et remarquable lors des combats, de se prévaloir comme groupe d’importance par rapport à la cabecera et dans le municipio en général. D’autant qu’être combattant participe à l’affirmation d’une certaine idée d’insoumission, image valorisée dans ce petit chef-lieu du Guerrero qui depuis les débuts de la colonisation s’honore de n’avoir jamais été village-sujet.

Dans le contexte du « jouer », ces épreuves corporelles vécues et recherchées, où douleur, peur et plaisir s’enchevêtrent, exaltent et intensifient l’expérience et donnent corps au cadre fictionnel en s’inscrivant dans la chair des protagonistes qui par l’affrontement apprennent à les connaître.

La douleur et ses stigmates

Douleur et plaisir - sensations très variables qui confinent à l’intime - coexistent à travers leur antagonisme et pour nombre de philosophes sont même indissociables. Sans tomber dans des explications d’ordre psychanalytiques où la souffrance subie ou infligée serait une source de plaisir, la douleur17 et ses stigmates corporels vécus dans le contexte des combats de Zitlala sont investis de significations. Hématomes, bosses, entailles diverses, dents cassées, etc., visibles aux yeux de tous et de soi-même, sont perçus comme une distinction positive et non comme la marque d’une défaite ou d’une victoire face à un adversaire et n’ont de sens que vécus solidairement et non endurés dans la solitude et le silence d’une maladie. Éphémères ou définitifs, superficiels ou graves, mais toujours inséparables du combat, ces stigmates sont arborés avec une certaine fierté et dans une joyeuse convivialité les jours suivants en compagnie de la famille ou du groupe, dans la sphère privée de l’« entre-soi ». Elles donnent à voir à la communauté l’engagement physique, la force de caractère et le courage de celui ou celle qui les porte. Chez les femmes aussi ces marques témoignent de leur participation et se portent sans chercher à les dissimuler. Dans ce contexte, « ces traces viennent représenter l’individu tout en le distinguant » (Le Hénaff et al. 2008, 561). Néanmoins, la douleur et ses stigmates dont le corps se fait l’illustration ne constituent pas une finalité recherchée mais, en se plaçant en tant que signes révélateurs de la rudesse de l’affrontement, apparaissent telle une conséquence inévitable de l’échange des coups et font parfois l’objet de propos amers : « la douleur le jour suivant te montre ta vanité, et tu te poses la question de savoir ce que tu as gagné à ne même plus pouvoir te retourner dans le lit sans l’aide de ta femme qui parfois se montre furieuse d’avoir un mari éclopé »18 convient un pugiliste, lui qui pourtant, por puro gusto (par pur plaisir) ne manque jamais un combat de son village. Un plaisir paradoxal, parfois teinté d’abattement que connaissent tous les pugilistes, un jour ou l’autre.

La peur

Comme toutes les émotions, la peur est autant une construction sociale qu’une réaction organique avec des effets physiologiques identifiés (modification du taux d’adrénaline entraînant de nombreuses variations du point de vue cardiovasculaire, épidermique, respiratoire, gastro-intestinal, etc.). À l’instar de la douleur, elle est un signal d’alarme nécessaire à la survie, mais n’est pas forcément indicatrice de danger objectif.

La peur est une donnée récurrente dans les propos des combattants, mais aussi dans ceux des non-combattants pour lesquels elle est une raison suffisante pour assister sans participer. La peur, connue de tous - ou presque -, n’est pas considérée comme une marque de faiblesse. Elle est acceptée et n’est jamais un sujet tabou. Durant l’affrontement, on tente de la maîtriser, de maintenir le regard sur son adversaire, de ne pas fuir pour pouvoir déclencher l’attaque. Dans ce contexte, « avoir peur » n’est donc pas une expérience négative à laquelle on voudrait se soustraire. On s’y frotte, la tutoie même avec plaisir, non pour la vaincre, mais plutôt pour la domestiquer, pour ne pas se laisser dominer par elle. « Il faut rester acteur, actif, transformer une crainte subie en un risque assumé et de fait, les stratégies pour déjouer, et donc jouer avec la peur, sont innombrables » ( Jeudy-Ballini et Voisenat 2004, 7).

Imprévisible, la peur imprègne l’atmosphère d’avant le combat, lorsqu’elle s’invite insidieusement dans le corps des protagonistes. Certains boivent du mezcal et dansent pour attiser leur courage ; d’autres, plus graves, se concentrent un peu à l’écart.

Dans ces combats au corps à corps, il n’y a pas d’autre alternative que d’aller jusqu’au bout de la raison pour laquelle on s’est engagé, de « remplir son contrat » avec soi-même, sans qu’intervienne de décision arbitrale ou de limite de temps imposée. L’entrée en lice, c’est-à-dire le court instant précédant le combat, peut prendre deux formes selon l’état de peur à assumer. Soit on se jette sur son vis-à-vis sans préambule avec toute l’énergie possible comme remède pour enrayer la peur, soit, avant que le premier coup ne soit lancé, on suit une sorte de round d’observation qui peut prendre quelque temps (parfois plus d’une minute), surtout chez les plus jeunes. C’est certainement à ce moment d’anticipation du combat que le sentiment de peur est le plus prégnant. Les combattants se tournent autour, sans se quitter des yeux. Les visages sont tendus et les bras en position de boxeurs, à hauteur du visage, semblent figés dans l’attente du coup. La tension est extrême entre les deux protagonistes qui rassemblent leur courage pour s’affronter. Il y a bien sûr la peur de prendre des coups, mais aussi celle de donner ou de recevoir un mal golpe (mauvais coup) qui pourrait être fatal, ce qui, dans les deux cas, impose de dépasser un stade d’appréhension.

Quand les lutteurs tardent à déclencher l’affrontement, des voix se font entendre - souvent dans des termes peu amènes - pour les engaillardir à pallier leurs hésitations. Par ailleurs, la peur n’est pas l’apanage des plus craintifs et, dans ce contexte où on doit la maîtriser dans l’action, on peut lire le courage qui en découle comme une technique de soi sur soi. Alors, plutôt que de la refouler, on la laisse s’exprimer pour mieux la dépasser.

Cette situation de peur en fait une composante déterminante qui stimule le courage dans la vie sociale car un lien étroit le relie mentalement à la peur.

Pour être courageux, il faut avoir peur. […] Bien sûr, la peur propre au courage n’est pas une émotion poussée à son paroxysme et entravant l’action, mais bien une peur qu’il est possible de dépasser. […] Ainsi, si le courageux fait preuve de la force de caractère nécessaire à l’action, ce serait à partir d’une connaissance lui venant du moins en partie de sa peur (Vermot-Petit-Outhenin 2012, 131).

El gusto (le plaisir)

D’un point de vue physique et émotionnel, il n’est jamais facile d’affronter l’épreuve rituelle du combat et on peut se demander en toute logique où se situe pour les acteurs le plaisir de cette forme de confrontation. Mais qu’entend-on par por gusto, expression qui revient fréquemment dans les réponses des acteurs à la question « pourquoi se battre? » et qui pourrait se traduire ici par « pour le plaisir » dans son sens premier « ce qu’il plaît à quelqu’un de faire, d’ordonner » (Rey 2010 [1993], 1662).

Le plaisir, autre aspect du domaine émotionnel, est, comme la peur avec qui il partage certaines caractéristiques, difficile à cerner et se trouve, à l’instar des sens et des sentiments, socialement et historiquement construit. Dans ce registre, Jean-Pierre Warnier a montré que les propositions de Marcel Mauss concernant les « techniques du corps » peuvent s’élargir aux émotions. Elles se cultivent. « Pour que le sujet perçoive certaines choses (des arômes, des sons, des configurations graphiques, une esthétique, des sensations kinesthésiques), il est impératif que tout cela ait été enregistré dans ses répertoires perceptifs » (Warnier 2004, 18).

Ainsi, le plaisir se constitue d’éléments étroitement imbriqués relevant de la chimie organique - des chercheurs en neurologie ont démontré que plusieurs zones du cerveau peuvent le stimuler - et de la construction sociale. On le connaît intuitivement, on l’a tous ressenti au cours de notre existence mais il n’est pas mesurable en soi, « nous ne connaissons du plaisir que son effet sur nous ; il nous met en mouvement, déclenche des réactions physiologiques […], mais il n’est pas lié à une représentation précise, à l’instant même où nous l’éprouvons » (Nicolle 2012, 11).

Même si, depuis un certain temps, les liens des combats avec le sacré se sont distendus et que dans l’actualité le sens des affrontements se recentre sur d’autres finalités, il reste le plaisir de se mettre en jeu car chaque combat porte en lui l’incertitude et les aléas de la rencontre. C’est d’ailleurs ce caractère imprévisible du déroulement de l’action qui donne sa spécificité à ces combats et les différencie ontologiquement de la notion de performance qui suppose quant à elle une répétition et un dénouement sous contrôle.

Les combats inspirent aux participants un sentiment de plaisir complexe et contrasté. Il se situe dans le senti d’une harmonie synchronique du collectif, perception d’une intimité partagée qui se construit et se vit dans l’action, contribuant à la création d’un « entre-soi » où le plaisir réside autant dans l’action commune qu’individuelle et par là même du dépassement de soi. Ce dépassement de soi, de sa peur et de la douleur est très valorisé et procure un plaisir que connaissent d’une façon générale tous les pugilistes et boxeurs, même après un affrontement sans enjeu comme lors des séances de combats d’entraînement.

Cette expérience sensible très intense - à la fois subjective et groupale - se prolonge et da gusto (provoque du plaisir), parfois du déplaisir, dans le temps d’après les combats, surtout le jour suivant chez le capitán où tous se rassemblent pour prolonger l’intensité de l’expérience, lorsque le corps collectif du groupe revit les affrontements et se construit une mémoire dont les effets vont au-delà des mots et agissent sans eux.

Conclusion

On a vu combien les combats de la région de Zitlala ne sont pas simples à saisir, d’abord parce que ne répondant pas à des règles précises, ils sont sujets à de constantes et nombreuses transformations dans la forme et dans le sens, notamment depuis le développement des processus de valorisation patrimoniale à l’intérieur desquels s’élaborent de nouvelles significations et de nouveaux enjeux. Ensuite, parce qu’ils ne rentrent pas dans une catégorie analytique précise, qu’elle soit sportive, rituelle ou relève du jeu traditionnel ; ils empruntent à chacune d’entre elles dans des proportions variables.

Toutefois, malgré cette complexité à les définir anthropologiquement, la recherche a montré que, loin d’être une singularité ethnographique locale, ces formes d’affrontement « informellement régulées » s’inscrivent dans un registre de pratiques physiques humaines très variées - et peu répertoriées - largement répandues dans le monde avant le XXe siècle. Cependant, en plus des effets des phénomènes globaux de patrimonialisation et de marchandisation des pratiques culturelles, bien étudiés par les anthropologues, on constate dans de nombreuses contrées depuis le début des années 2000, peut-être en raison d’une lassitude face au développement hégémonique du sport et à la perte de l’esprit du jeu « gratuit », un nouvel intérêt pour ces pratiques coutumières dont certaines se réactualisent, connaissent un nouvel essor et gagnent en importance, voire s’inventent19.

Incorporer les joutes zitlaltèques à cette pluralité nous amène à explorer un champ de praxis corporelles de jeux/confrontations qui se différencient ontologiquement du sport et à les rapprocher, non pas tant du jeu en soi, mais dans le cadre fictionnel de l’acte de jouer. En effet, on l’a vu, l’engagement physique ne résulte pas ici d’un simulacre de combat ni d’une performance du fait des coups réellement appliqués - chacun des protagonistes se devant d’en accepter les aspects incisifs dans sa chair. Mais il ne relève pas non plus du combat au sens guerrier du terme dans la mesure où il ne répond pas à la nécessité de dominer son vis-à-vis, la neutralisation physique n’étant pas la fin recherchée, l’issue important peu. Autrement dit, si les affrontements ne sont pas « pour de vrai », ils ne sont pas pour autant « faux » ou « fictifs », paradoxe qui implique une autre signification de l’échange pugilistique et donne une autre acception de l’affrontement humain.

Pour comprendre le sens de ces affrontements dans leur dynamique, une grille de lecture à partir de l’observation matérielle des combats et de leur mise en œuvre dans le cadre fictionnel de l’acte du jouer a permis de mettre en évidence

l’importance de l’expérience corporelle vécue et recherchée par les acteurs et de donner quelques éléments de réflexion d’intérêt heuristique pour une étude anthropologique des rituels, incluant les questions de la corporalité et des émotions.

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1Citons en particulier les luttes mongole, turque, gambienne, sénégalaise et le ssirûm coréen.

3On en dénombrait près de 50 000 en 2012 avant que la municipalité ne limite les entrées à 22 000. Forte de son succès, la tomatina s’exporte dans plusieurs pays (Argentine, Chili, Colombie, Costa Rica, Chine, Corée du Sud) et a entamé, en 2017, le processus de candidature au PCI.

4La course camarguaise est un jeu taurin occitan (documenté au début du xve siècle) sans mise à mort : dans une arène, les « raseteurs » doivent s’emparer des attributs (cocardes) fixés au front et aux cornes d’un bœuf, tandis que des « tourneurs » sont chargés de bien orienter l’animal.

5Voir Ferret (2018).

7Quelques femmes participent depuis 2018.

8Eau-de-vie locale produite à partir de plusieurs variétés d’agaves et titrant à plus de 40°.

9Massue en corde nouée.

10Au niveau physique, la puissance est la force multipliée par la vitesse, ce qui implique que pour gagner en puissance, il est nécessaire d’exécuter les actions motrices avec une intensité maximum, c’est-à-dire allier force à vitesse.

11Le municipio, héritier de la colonisation espagnole, est une agglomération de villages et de hameaux administrée par une cabecera (chef-lieu), souvent éponyme de celui-ci.

12Place principale.

13Carnet de terrain, avril 2012.

14Carnet de terrain, avril 2013.

15Ce point reprend en partie une recherche publiée précédemment (Roussely 2018).

16Carnet de terrain, mai 2013.

17On emploiera ici ce terme dans le sens de douleur physique en faisant abstraction des autres compléments qui lui sont aussi associés (morale, psychique, etc.).

18Carnet de terrain, mai 2012.

19À titre d’exemples citons le Pillow fight day, bataille de polochons géante organisée dans de nombreuses villes du monde — depuis 2008 via les réseaux sociaux — et qui réunit, chaque année au début du mois d’avril, des milliers de participants dans des échanges parfois brutaux, ou encore celle à jets de légumes, de préférence avariés, où, depuis 1998 à Berlin, à la fin du mois d’août, plusieurs centaines d’habitants — quelque huit cents en 2008 — des quartiers de Kreutzberg et Friedrichshain s’affrontent sur le pont Oberbaum.

Received: June 15, 2022; Accepted: July 31, 2023

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