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América Latina en la historia económica

versión On-line ISSN 2007-3496versión impresa ISSN 1405-2253

Am. Lat. Hist. Econ  no.34 México jul./dic. 2010

 

Artículos

 

L'économie politique du dispositif du FOGAIN (1953–1989): les leçons de l'expérience pour les politiques publiques d'appui au financement des entreprises au Mexique*

 

Juan Lorenzo Estrada Calderón**

 

** Actualmente pertenece al Departamento de Ciencias Económicas y Administrativas de la École Nationale des Ponts et Chaussées, y es profesor de asignatura del área de Economía en la Université Paris 7–Diderot.

 

Fecha de recepción: noviembre de 2008
Fecha de aceptación: julio de 2009

 

Résumé

En 1953, l'Etat mexicain met en place une politique d'appui au financement des petites et moyennes entreprises industrielles (PMEI), le FOGAIN. Ce dispositif visait à combler les défaillances de marché, en particulier celles relevant du rationnement de crédit dont faisaient l'objet ce type d'entreprises. Or, la nature de la relation qui s'était forgée entre l'Etat et les agents économiques après la révolution de 1910 aura probablement déterminé les modalités et la portée des résultats de cette politique publique.

Mots clés: Banque de développement, économie politique, industrialisation, intégration politique verticale, Mexique petites et moyennes entreprises, politique publique.

 

Abstract

In 1953, the Mexican State implemented a public policy of support for financing small and medium–sized industrial enterprises (SMIE), the FOGAIN. This device was aimed at correcting some market failures, specifically the rationing of credit that affected these types of enterprise. Previously, in the aftermath of the Revolution of 1910, a specific link had been established between the State and the economic agents. This probably altered the modality and scope of this public policy. This device proved to be ad hoc instrument in order to establish an implicit and perdurable agreement between the State –by means of its technocracy– and the business community within the model of imports substitution industrialization (ISI). The existence of this type of devices was only possible within the frame of a policy of indebtedness which was simultaneously a condition and a consequence. The incompatibility of the governance of this device and the logics of banking regarding the mechanisms of credit granting, combined with the structural adjustment policies, resulted in the suppression of FOGAIN in 1989.

Key words: Development banking, industrialization, Mexico political economy, public policy, small and medium Enterprises, vertical political integration.

 

INTRODUCTION

Cet article présente une politique publique d'appui au financement des entreprises au Mexique, à partir d'une étude de cas originale, celle du FOGAIN,1 fonds public créé en 1953 et logé dans la banque de développement, la Nacional Financiera, S. A. (NAFIN).2 Ce fonds avait pour objectif d'offrir aux petites et moyennes entreprises industrielles (PMEI) du crédit subventionné. Il disparaît en 1989 dans la vague des réformes que le Mexique avait engagées à cette période–là.3

L'étude du FOGAIN ne s'inscrit pas exclusivement dans le domaine de l'histoire économique. Bien qu'il s'agisse du dispositif le plus important et de plus longue durée jamais créée pour ce type d'entreprises, aucune analyse n'a jamais été faite à ce titre, excepté certaines apports succinctes éparpillés dans la documentation sur l'industrialisation au Mexique. Une étude sur ce fonds acquiert de l'intérêt d'autant plus que la banque de développement existe toujours, ainsi que des politiques publiques envers les PMEI. Des évaluations sur les pratiques et les expériences du passée se révèlent un chantier ouvert à la recherche.

L'activité du FOGAIN s'inscrit, de prime abord, dans celle de la banque de développement. Celle–ci a joué un rôle déterminant dans l'industrialisation mexicaine par l'offre de financements à long terme aux secteurs prioritaires.4 Si l'on se réfère aux indicateurs quantitatifs, le FOGAIN a eu peu de poids dans la croissance mexicaine et dans le développement financier.5 Cependant, l'analyse de ce fonds public présente un intérêt particulier sous l'angle institutionnel. En effet, cette étude de cas permet d'explorer les caractéristiques de la politique publique mexicaine d'appui au secteur privé à travers sa trajectoire historique.

Sous l'angle de l'économie politique,6 dans le cas du Mexique, une hypothèse d'instabilité politique qui aurait hypothéqué la croissance dès le XIXe siècle, dans le sillage des travaux d'histoire économique comparative de North, Summerhill et autres auteurs.7 Dans ce contexte, la relation entre le gouvernement et les intérêts privés, avant et après la période révolutionnaire (1910–1917), aurait pris la forme d'une intégration politique verticale (IPV).8 Dans cette configuration, n'importe quel groupe dans la société qui apportait son soutien politique au gouvernement aurait trouvé sa place dans cette intégration. l'IPV a, en outre, comme caractéristique un cloisonnement strict entre le politique et l'économique, contrairement au crony capitalism qui intègre les intérêts privés dans le gouvernement. Est–ce que les conditions d'émergence de la politique publique d'appui aux PMEI confortent ce diagnostic? Dans quelle mesure le cloisonnement entre le politique et l'économique détermine les modalités de la politique publique à vocation économique?

La politique publique repose sur un contrat sous l'angle des organisations. L'analyse du dispositif du FOGAIN permet de dégager les principales caractéristiques du contrat à travers ses objectifs et ses résultats. Deux catégories d'organisations privées sont parties prenantes dans le dispositif –les entreprises bénéficiaires et les banques par lesquelles transite la distribution du crédit. Qu'est–ce qui caractérise le contrat entre la banque de développement et les entreprises? Quel enjeu ce dispositif a–t–il pu représenter pour les banques?

La première partie de cette contribution présente l'économie politique de l'émergence du FOGAIN. Une seconde partie décrit le dispositif et fait un premier inventaire des résultats à partir des informations disponibles. Une troisième partie rassemble les conclusions de cette recherche.

 

L'ÉCONOMIE POLITIQUE DE L'INTÉGRATION POLITIQUE VERTICALE ET LES PMEI

Le Mexique a connu un premier épisode d'industrialisation durant la dictature de Porfirio Díaz, appelée el porfiriato (1876–1910).9 Tout en étant promarché, le gouvernement apporta son soutien à la création d'importantes entreprises manufacturières.10 Cependant, malgré cette complicité tacite entre les industriels et le gouvernement de Díaz aurait été officieuse durant el porfiriato.11 Après la révolution, le gouvernement du général Plutarco Elías Calles (1924–1928) s'engage dans des alliances en quête d'assurance pour son propre pouvoir et de paix sociale: il associe les agents économiques à la prise de décision en matière de politique économique.12 Par ailleurs, le gouvernement créa, en parallèle, des associations auxquelles les entreprises sont appelées à adhérer, d'une façon plus ou moins obligatoire. En contrepartie de cette institutionnalisation, le gouvernement s'engage à apporter un appui financier au secteur privé tout en faisant la promotion de l'esprit d'entreprise.13

L'institutionnalisation du secteur privé renforce la communication entre ce dernier et la classe politique.14 L'assassinat du président élu en 1929 précipite la création du PNR (qui deviendra le Parti Révolutionnaire Institutionnel, PRI) sous la forme d'un pacte d'urgence avec les groupes et chefs locaux puissants. Ce processus de formation de l'État, parallèlement à la formation du parti officiel, aurait été accompagné d'une distribution de privilèges aux industriels et aux banquiers.15 Il va se poursuivre dans les années 30 par une réforme agraire et un activisme industrialiste qui connaît un vif essor. Avec la création des divers organismes, notamment les associations professionnelles (cámaras empresariales), Lázaro Cárdenas (1934–1940) met en œuvre une politique de promotion du capitalisme national sur la base de ce qui a pu être qualifié de corporatisme.16

Cette institutionnalisation des rapports entre l'Etat et le secteur privé aura bénéficié, dans un premier temps, surtout aux grandes entreprises. Cependant, l'apparition d'un nouveau groupe d'industriels, composé essentiellement de PMEI créées par des immigrés récents, arrivés dans les années 20 et 30, modifie cette situation.17 Ces industriels auraient joué un rôle déterminant dans l'importante mobilisation des PMEI durant l'administration de Cárdenas et ils demandaient la création d'une association qui leur soit propre pour les représenter.18

La CANACINTRA19 est fondée en décembre 1941. Elle rassemblait essentiellement des pmei, mais également quelques grandes entreprises. Finalement, l'essor du marché intérieur favorisa celui des pmei.20 C'est leur poids acquis dans le tissu économique et social du pays qui va leur permettre d'obtenir, par l'intermédiaire de cette chambre, une politique d'appui au financement en leur faveur. Leurs représentants avaient, depuis les années 30, frappé à différentes portes,21 et c'est à celle de la banque de développement, NAFIN, créée en 1934, que leur demande finira par aboutir avec la création du FOGAIN en 1953. Bien qu'à l'origine, la vocation de cette institution fût de développer un marché de titres privés et publics, au début des années 1940, celle–ci s'oriente vers l'appui direct à l'industrialisation, par le financement de la création d'entreprises de substitution d'importations pour les produits de base pendant la guerre et la construction des services publics et des infrastructures,22 puis comme guichet du financement public subventionné via des fonds spécialisés.

Quelles caractéristiques de contexte peut–on dégager dans cette économie politique? S'agissant des relations entre le gouvernement et le secteur privé, le pri exclut la participation politique des intérêts privés en son sein et organise un cloisonnement institutionnel de la gouvernance. L'intégration politique verticale consiste en une intégration (par le gouvernement) de l'action collective des groupes économiques. Cette intégration conditionne les interactions entre les sphères politique et économique: d'un côté les agents économiques peuvent configurer les institutions qui gouvernent leurs activités économiques; de l'autre, le gouvernement s'engage à s'intéresser aux affaires des entreprises privées et à leur développement. Un pacte institutionnalisé est ainsi créé à travers des instances particulières (las cámaras), dont les caractéristiques s'approchent de celles que l'on connaît dans la littérature sous l'appellation de corporativisme.

Ce mode d'internalisation politique des groupes d'intérêts privés, pris un par un, permet–il l'expérimentation d'une coordination horizontale ou transversale dans les politiques publiques de développement –par exemple des politiques industrielles coordonnées particulières? Quelles branches seront favorisées et en fonction de quels critères?

Comme nous allons le voir, le cloisonnement entre le politique et l'économique au niveau de ce type d'institutions va déterminer au fil du temps le mode de gestion et d'expertise des institutions publiques à vocation économique.

 

L'EXPÉRIENCE DU FOGAIN

Le FOGAIN est créé, comme tous les fonds publics spécialisés de cette période, sous la forme juridique du fideicomiso (traduction française, fidéicommis), très répandue au Mexique encore de nos jours. On peut relever que l'accent est mis, dans les documents officiels, sur leur nature juridique, et donc sur l'acte de délégation de l'autorité publique.

Le dispositif du FOGAIN a comme mission principale l'octroi des crédits subventionnés aux petites et moyennes enterprises (PME) manufacturières, à travers du seul réseau bancaire privé dans un premier temps. Le dispositif associait deux objectifs connexes: 1) inciter le secteur bancaire à accorder des crédits sur ses propres ressources; 2) renforcer la déconcentration régionale de l'industrie dans le pays.23 Le fonctionnement du FOGAIN est illustré par la figure 1.

C'est la décision d'octroi du crédit qui se révèle le point intéressant à étudier. En effet, cette décision relève d'une instance particulière, appelée Comité technique.24 Celui–ci est composé de six membres nommés qui viennent du Trésor public (Secretaría de Hacienda y Crédito Público, SHCP), du Ministère de l'Economie, du Banco de México, de NAFIN, de la CONCAMINT25 et de la CANACINTRA. Sont donc représentés l'Etat, deux institutions publiques et deux organisations professionnelles intéressées par l'allocation des crédits.

On observe que les banques privées sont absentes du Comité technique. Les critères de sélection de leurs clients ne font donc pas l'objet d'une discussion et d'une expertise privée–publique avec ces dernières. Cela signifie notamment une relation directe entre la technocratie publique et les entreprises bénéficiaires, observation qui conforte le diagnostic de l'IPV, au cas par cas.

De fait, un pouvoir de décision est donné aux bénéficiaires par l'intermédiaire de deux représentants des chambres professionnelles. En ce qui concerne les banques, elles sont simplement instrumentalisées à cause de leur réseau de succursales, NAFIN n'en ayant pas suffisamment au moment de la création du dispositif.26 Cette formule aurait permis à cette dernière d'être représentée dans une grande partie du territoire national, tout en gardant un contrôle centralisé sur le choix des bénéficiaires et des régions à privilégier.

A partir de 1973, deux modifications importantes sont apportées aux règles de fonctionnement du FOGAIN: la première autorise les institutions financières publiques, à distribuer des crédits FOGAIN directement, alors que, jusque–là, ils devaient l'être par les banques privées; la deuxième modification concerne le reclassement des zones. Cette mesure vise à une répartition des fonds plus équilibrée par régions, par le biais d'une différenciation accrue des taux d'intérêt par régions.

L'évolution des crédits du FOGAIN et les résultats

À partir des années 1973–1974, les volumes des opérations FOGAIN progressent, comme le montre le graphique 1 ci–dessous, d'abord à une échelle modeste, puis de façon plus significative à partir de 1980. En effet, le président Luis Echeverria (1970–1976) prend le pouvoir dans un contexte où l'image du parti officiel (PRI) avait été ternie par les évènements d'octobre 1968.27 Le drapeau de la politique publique, c'est toujours l'industrialisation: les investissements publics vont ainsi augmenter dans plusieurs branches industrielles. L'augmentation des engagements en volume du FOGAIN dans les années 70 tient à ce contexte.

Puis une inflexion importante apparaît, en lien avec l'impulsion donnée par le gouvernement López Portillo aux dépenses publiques grâce à la rente pétrolière et à l'endettement international. Alors que la priorité est à l'industrie lourde, un plan de développement industriel est conçu en 1977 incluant un Plan d'Appui Intégral (PAI) en faveur de toutes les PME, quelle que soit leur activité. Le FOGAIN est incorporé comme une partie de ce plan tout en gardant sa structure juridique. Le PAI est doté de ressources venant du gouvernement fédéral et d'un prêt de la Banque mondiale (100 000 000 de pesos en 1980). Un second prêt de 175 000 000 de pesos sera accordé en 1983 par cette dernière au titre d'une aide d'urgence aux PME, dans le contexte de la crise de la dette. Au début de l'année suivante, le gouvernement débloque 400 000 000 de pesos en faveur du FOGAIN.28

Compte tenu des informations dont on dispose, les principaux résultats de l'activité du FOGAIN sont les suivants:

La répartition régionale dans l'allocation des fonds est plus équilibrée en fin de période qu'en début de période, comme le montre le graphique 2. Les allocations sont concentrées, jusqu'au début des années 70, sur la région de la capitale (courbe 7). Ce sont ensuite les régions industrialisées du Nuevo León (région de Monterrey) et de Coahuila au Nord du pays (courbe 6) qui bénéficient le plus de cette déconcentration régionale des crédits; alors que celles du centre ayant une tradition manufacturière (que l'on appelle le "cœur colonial"), et les plus pauvres, telles que les Chiapas et Oaxaca restent en bas du tableau. La vocation d'appui à l'industrialisation se confirme en suivant le cours régional de cette dernière en direction du tissu industriel qui se développe avec les maquiladoras.

Du graphique 2, on peut tirer les constats suivants:

1) Les principales branches industrielles bénéficiaires ont été les industries du textile, de la chaussure et du cuir, les industries alimentaires, et les industries métallurgiques, électriques et chimiques. Globalement, il s'agit d'entreprises produisant les biens de consommation et intermédiaires. Des études particulières par branches sont nécessaires pour évaluer l'impact du FOGAIN sur leur activité. Les documents officiels ne font pas référence à des priorités particulières par branches ou à cet impact.

2) Les entreprises les plus bénéficiaires des fonds du FOGAIN en nombre et en volume ont été les entreprises de taille moyenne.29

3) La majeure partie des crédits distribués (61% en valeur) de 1953 à 1978 l'a été sous forme de crédit commercial, soit à moins de deux ans;30 les données ne sont pas disponibles pour la période suivante. La vocation de la banque publique de développement à fournir le financement à moyen et à long terme n'est pas tout à fait confirmée dans ce cas. Le FOGAIN aurait donc contribué à compenser le rationnement du crédit commercial dont les PMEI étaient l'objet par l'offre des crédits subventionnés. En ce qui concerne la distribution des crédits FOGAIN par les banques, la majeure partie (60%) a transité en 1980 par les quatre plus grandes banques et 18% par NAFIN.31

4) Par rapport au taux d'intérêt des crédits accordés, il convient de souligner certains points: a) Le taux se fixait par rapport à la zone (ou à la région) où se situent les PMEI. L'objectif affiché était de favoriser les PMEI en dehors des zones dites "de concentration industrielle";32 b) Il était subventionné, soit inférieur au taux de marché tout au long de l'existence du FOGAIN,33 quelle que soit la zone. De surcroît, on constate qu'à partir de 1973, il devient négatif en termes réels. En effet, le Mexique était traditionnellement un pays à basse inflation, mais la situation change à partir de 1973, où le taux passe à deux chiffres.34 c) Quant à la rémunération des banques, il y avait deux cas de figure:35

5) Dans la première catégorie de prêts –structure de cantonnement–, les banques devaient verser au FOGAIN l'intégralité des intérêts payés par les PMEI. Elles n'etaient donc que des agents de distribution des fonds publics.

6) Dans la seconde catégorie –mécanisme d'incitation–, il revenait aux banques un pourcentage des intérêts par prêt accordé, variable en fonction de la zone où celles–ci se situaient.

Globalement, l'étude du dispositif et de ses résultats opérationnels ne révèle pas de stratégie industrielle particulière, mais principalement un objectif d'apporter un appui à une catégorie d'entreprises. Compte tenu également de la proportion du crédit commercial dans le volume des crédits accordés, le FOGAIN n'a pas été une agence du développement indutriel: il aura été un dispositif de compensation au rationnement du crédit bancaire, et il aura été un guichet particulier, pami d'autres, du crédit subventionné. Surtout, l'on constate que l'offre de crédit subventionné au PMEI n'a pas été l'objet d'une conditionnalité particulière, notamment en termes de performances économiques et financières pour les PMEI.36

De même, une évaluation de l'impact du dispositif du FOGAIN sur l'incitation des banques à s'engager davantage sur le marché du crédit pour le PMEI –l'autre objectif majeur dispositif– n'est pas possible à ce stade. Ce qui émerge de cette recherche, c'est plutôt le constat que le banques prêtaient dans la mesure où elles étaient dispensées du risque du crédit. Mais on ne dispose pas d'informations suffisantes pour l'affirmer de façon catégorique. En effet, les rapports officiels disponibles ne font pas la distinction entre les deux types de crédits, montrés dans la figure 1. L'aversion au risque des banquiers mexicains peut être elle–même imputable à la faiblesse du dispositif juridique de protection des créanciers,37 laquelle resterait à être étudiée plus précisément.

 

CONCLUSIONS

Les conclusions plus générales que l'on peut tirer de cette étude portent sur les interactions qui ont configuré les modalités de la politique publique mexicaine dans le processus de l'IPV.

Si l'on revient à notre hypothèse de travail initiale, le cloisonnement entre le politique et l'économique dans l'IPV, telle que la conçoivent Haber et autres auteurs,38 expliquerait que l'obligation de résultats ne figure pas dans le contrat privé–public de la politique publique. À la limite, la politique économique du développement aurait eu comme finalité d'être au service des intérêts privés et d'assurer leur prospérité, tout en misant sur le marché pour assurer l'allocation efficiente des ressources et des compétences.

Or, l'histoire nous apprend que "le marché" peut transférer ses propres déficiences dans la politique publique. En effet, le manque de productivité de l'industrie textile, première grande industrie du capitalisme familial au Mexique ne date pas de l'industrialisation par substitution d'importations. La productivité fait défaut à cette industrie depuis le XIXe siècle, si l'on tient compte du volume des importations de textiles. Les chefs d'entreprises n'ont pas toujours eu l'aptitude, d'une génération à l'autre, à absorber les innovations technologiques et ont pu préférer spéculer sur la dette mexicaine.39 Quand, pendant le porfiriato, le gouvernement demanda à ces industriels leur avis, ils n'avaient déjà que la protection à demander.

Comparativement, les immigrés du siècle suivant apportaient avec eux des capacités technologiques et de gestion nouvelle. Dans la mesure où les banques commerciales avaient comme pratique, pour limiter le risque du crédit, de renouveler automatiquement le crédit aux clients qu'elles connaissaient bien,40 elles rationnaient davantage les derniers arrivés. La banque publique comblera alors les défaillances du marché, avec décalage, le temps que l'action collective des groupes d'intérêt se recompose en intégrant les nouveaux arrivés et qu'elle soit à son tour institutionnalisée, comme on l'a vu. On a relevé que, dans le Comité technique du FOGAIN, la première chambre industrielle dont la création remontait aux années 20 (la CONCAMINT) était également représentée. En somme, cette logique additive dans la représentation des intérêts privés tendait à privilégier la représentation de ces derniers pour elle–même en évitant de contrarier quiconque; dans le même temps, la technocratie publique se dispensait de concevoir un contenu stratégique à donner à la politique publique en termes de performance économique.

Si la construction institutionnelle relève d'un processus complexe et dynamique d'interactions, on aura simplement constaté au titre du débat traditionnel État–marché que, dans cette configuration, ce sont les "défaillances" du marché (celle de la gestion des entrepreneurs) qui ont été transférées dans la politique publique, faute de l'existence, dans le contrat public–privé, de mécanismes d'incitation ou d'obligations de résultats en contrepartie de l'accès à un financement subventionné. C'est bien à ce titre que l'on peut parler de clientélisme qui hypothèque la politique publique de développement. Dans l'intervalle, néanmoins, l'intégration politique verticale aura apporté une stabilité politique qui a permis de construire l'État "moderne" et un grand éventail d'institutions. Mais, au prix du maintien du même parti politique au pouvoir pendant sept décennies et de l'absence d'apprentissage d'une culture d'évaluation, dont les investisseurs étrangers ont finalement tiré profit au détriment du capitalisme national, dès lors que la protection a été démantelée.

 

SOURCES CONSULTÉES

Hemerografia

El Mercado de Valores, février–mars du 1984.

 

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NOTES

* Un grand remerciement à Elsa Assidon et à Gustavo del Ángel–Mobarak, par leur remarques et leur appui, ils ont rendu possible ce travail.

1 Fondo de Garantía para la Industria Mediana y Pequeña (Fonds de Garantie pour les Moyennes et Petites Industries).

2 On peut trouver dans la littérature également l'utilisation du terme NA FINSA.

3 Voir l'introduction de la thèse d'Estrada, "Politique", 2006, pp. 6–13.

4 Amsden, Rise, 2001; Armendariz, "Development", 1999, et Ramírez, Development, 1986.

5 Le volume des crédits FOGAIN ne représente que 0.23% du PIB à son maximum en 1982. Estrada, "Politique", 2006, chapitre 4, pp. 125–126; Assidon et Estrada, "Banque", 2006, p. 1.

6 Retiennent Haber etal., Politics, 2003.

7 North etal., "Order", 2000.

8 "Vertical political integration involves the creation of a set of governance structures that allow certain economic groups to determine the policies that directly affect them. That is, they allow some economic agents to dictate the institutions that govern their economic activities. We denote this as backward integration. There may also be forward integration, in which members of the government turn their interest to business enterprise. This creates a commitment mechanism that constrains the government from reneging on current institutional arrangements. By allowing the private sector to have an active (or decisive) role in shaping the institutional framework that governs its behavior, and by linking the fate of the government to the success of the private sector (through forward integration), the government can create a limited commitment to a reduced set of economic agents that will not predate on their property rights. Thus, economic activity is not necessarily affected by political instability." Haber, Maurer et Razo, "Sustaining", 2002, p. 35.

9 Haber, Industry, 1989.

10 Ibid., et Ángel–Mobarak, "Paradoxes", 2002.

11 Selon certains auteurs, l'ensemble du secteur privé n'aurait pas apporté un soutien suffisamment solide afin d'éviter la chute du gouvernement de Díaz lors du mouvement révolutionnaire. Camp, Entrepreneurs, 1989, et Valdés, Autonomía, 1997.

12 Ceci s'est fait par le biais de canaux de communication et de négociation avec l'Etat, par exemple à l'occasion de la création la Banque centrale en 1925, notamment pour l'élaboration des nouvelles législations en matière bancaire. Cette coopération aurait été décisive pour le redressement de l'économie post–révolutionnaire. Haber, Industry, 1989, et Vernon, Dilemme, 1996.

13 Valdés, Autonomía, 1997, p. 114.

14 Camp, Entrepreneurs, 1989, p. 15.

15 Tornell, "Economic", 2002.

16 Elizondo–Mayer, Importancia, 2001; Camp, Entrepreneurs, 1989.

17 Mosk, Industrial, 1950.

18 Cárdenas, Política, 1996; Camp, Entrepreneurs, 1989, et Vernon, Dilemme, 1996.

19 Chambre Nationale de l'Industrie Manufacturière.

20 Durant l'essor de l'isi mexicaine, les PMEI se sont consolidées comme un volet–clé du développement industriel mexicain, dans plusieurs branches pour le marché intérieur. Estrada, Politique, 2006, chapitre 3.

21 Avant les années 1950, d'autres fonds publics pour favoriser les PMEI avaient été créés. On peut citer, le Fondo de Crédito Popular (1933), le Fondo de Fomento Industrial (1936), le Fondo Nacional de Garantía para Valores Mobiliarios (1939) et le Fondo de Fomento a la Industria y de Garantía de Valores Mobiliarios (1941), NAFIN, FOGAIN, 1974, p. 30. Tous ces fonds eurent une courte durée; entre 1941 et 1950 aucune politique d'appui aux PME n'a pas été conçue.

22 Armendáriz, "Development", 1999; Ramírez, Development, 1986, et Blair, "Entrepreneurship", 1964.

23 NAFIN, FOGAIN, 1980, p. 10.

24 Voir figure 1.

25 Confédération Nationale des Chambres Industrielles, créée en 1921.

26 NAFIN dispose en 1973 d'un réseau de 14 succursales dans le pays. NAFIN, FOGAIN, 1974, p. 38.

27 Elizondo–Mayer, Importancia, 2001, et Camp, Entrepreneurs, 1989.

28 Voir ElMercadodeValores, vol. XLIV, num. 9, 27 du février du 1984, p. 204, et num. 12, 19 du mars du 1984, p. 282.

29 Estrada, "Politique", 2006, pp. 111–112.

30 Ibid., pp. 114–115.

31 Ibid., p. 133.

32 Les zones considérées de concentration industrielle étaient dans cette première phase (1953–1972): le Distrito Fédéral, l'État de Mexico et la ville de Monterrey, dans le Nuevo León.

33 Les rapports sur le FOGAIN soulignent ce point. NAFIN, Características, 1974, et FOGAIN, 1980.

34 Voir annexes en Assidon et Estrada, "Politique", 2006.

35 Voir figure 1.

36 Amsden, Rise, 2001, par exemple, montre que dans des pays tels que la Corée du Sud, Taïwan et encore le Brésil, en contrepartie des subventions et d'appuis reçus, les entreprises étaient soumises à une conditionnalité, notamment à exporter une partie de leur production, s'exposant ainsi aux marchés internationaux. Voir aussi, Rodrik, "Industrial Policy for the Twenty–First Century" [on line], téléchargeable en ligne sur, septiembre du 2004 <http://www.ksg.harvard.edu/rodrik/>.

37 Galindo et Micco, "Bank", 2005, et "Creditor", 2004.

38 Haber et al., "Sustaining", 2002; Haber et al., Politics, 2003.

39 Amsden, Rise, 2001, pp. 40–42; Haber, Industry, 1989.

40 Ángel–Mobarak, "Paradoxes", 2002, pp. 203–204.

 

A PROPOS DE L'AUTEUR

JUAN LORENZO ESTRADA CALDERÓN: Licenciado en Economía por la Universidad Autónoma de Baja California, en Tijuana; maestro en Finanzas Corporativas por la Cetys Universidad, Tijuana, Baja California, y doctor en Economía por la Université Paris 3, Sorbonne Nouvelle, París, Francia. Ha sido asistente de investigación en el área de economía y profesor de asignatura en el Institut des Hautes Études de l'Amérique Latine, París, y en la Universidad Internacional de La Paz, Baja California Sur. Actualmente pertenece al Departamento de Ciencias Económicas y Administrativas de la École Nationale des Ponts et Chaussées, y es profesor de asignatura del área de Economía en la Université Paris 7–Diderot.

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