Sommaire: I. Introduction. II. La portée de la norme internationale sur le concept de violence physique. III. Conclusion. IV. Références.
I. Introduction
Que sait-on sur la violence? Comment la maîtriser de nos jours? Comment cette violence peut-elle servir d’objet d’intérêt au droit? Par quels moyens le droit peut limiter la pratique des actes violents ou encore comment mesurer leurs conséquences? A partir de quel moment le droit va s’intéresser à l’exposition des individus à la violence? Pourrait-on parler de différentes formes de violence? Pourrait-on mesurer la violence par le profil des individus supposés violents, par les actes de violence en soit ou par leurs conséquences néfastes? Finalement, leurs conséquences peuvent-elles s’étendre au-delà de la sphère individuelle des victimes directes et indirectes?
On pourrait prolonger ces différents questionnements autour de la violence et des moyens violents utilisés par l’homme dans ses rapports de force en société. Notre proposition alors, est d’aborder le sujet à partir des critères qui’ intéressent le droit, mais, pour cela, on ne pourrait pas oublier l’individu qui est la pièce principale de cet engrenage, soit parce qu’il est l’auteur ou la victime des actes violents (directe, indirecte ou encore individuelle ou collective), soit parce que c’est par l’homme que ces pratiques seront jugées et emportées par le droit en tant que crime.
L’être humain revient alors au point central de l’ensemble de ce questionnement et pour le droit, cet individu reste encore, d’une certaine façon, un inconnu: on essaye de maitriser ses actes, de limiter les pratiques qui pourraient mettre en péril la société, de prévoir à l’avance ce qui pourrait être tenu comme juridiquement acceptable ou non ; pourtant, l’homme en soi n’est pas maîtrisable par les règles.
Que se soit la violence physique ou morale ou que la violence en général ait pour but la tentative de maîtriser l’autre, il y aura toujours certains critères d’ordre interne ou externe qui échapperont à l’emprise du droit. Il y aura toujours la prédisposition de certains pour une personnalité violente ou des circonstances de violence qui pourraient dégrader la personnalité d’autres ou encore des facteurs externes qui pourraient créer une certaine facilité pour le développement d’aptitudes qui pourraient faire pencher quelqu’un pour la violence, comme quelques critères d’ordre socio-économiques ou culturels.
II. la Portee de la norme internationale sur le concePt de violence Physique
Le concept général de violence implique une mise à l’écart durable des acteurs1 tandis que la violence physique, en particulier, est une tentative de domination du corps qui peut aboutir à une emprise physique totale dans les cas les plus extrêmes comme celui de la torture.2
Pour Wieviorka,3 la violence a deux orientations, une marquée par une «subjectivité impossible ou malheureuse» et «l’autre par son absence ou sa perte». Selon lui, toutes les deux peuvent coexister dans un même acteur et peuvent «faire appel à des sentiments ambivalents de compréhension à l’égard de son visage maltraité et de sa subjectivité niée transformée en violence, et le refus déterminé par son côté sombre et purement destructeur».
Lahouari soutient que la violence physique peut être empiriquement observée, elle laisse des traces qui peuvent être constatées après la douleur physique, «tandis que la violence symbolique a besoin du consentement de celui qui la subit, la violence physique s’exerce toujours contre le gré d’une personne que nous supposons normalement constituée».4
Le droit, à son tour, a ajouté des valeurs à ces différentes voies du concept de violence, parce qu’à la différence de la sociologie, il s’occupe des mesures de la violence. En d’autres termes, que ce soit par le droit international ou par le droit national, la violence sera observée autrement, elle sera mesurée par l’intensité de la douleur, les types d’actes et leurs sujets (auteurs/victimes).
1. L’enjeu des critères relatifs et universels sur la détermination du concept de violence et torture physique par le droit international
La préoccupation de la violence a toujours été au cœur de la pensée juridique. Dans le contexte des prisons, la notion la plus répandue par le droit qui caractérise l’une des formes extrêmes de la violence est celle de torture, mais la notion de peines et traitements cruels, inhumains et dégradants n’est pas absente. Le recours systématique à ces méthodes est encore utilisé. Que ces pratiques puissent avoir ou non une ‘tentative de justification’ par leurs agents, elles peuvent conduire à l’accroissement du sentiment de peur et d’insécurité, qui peut engendrer l’idée qu’on ne se retrouve plus ni dans le domaine de la répression ni de la correction, et on entrevoit la prévention comme encore plus lointaine, ce qui laisserait une place à un sentiment de vengeance. Les mauvaises conditions de vie des condamnés, les traitements inhumains, cruels et dégradants ne peuvent pas être considérés comme des circonstances normales qui devraient être acceptées par les individus comme une forme de rétribution et paiement pour les crimes qu’ils ont commis.
A. L’extension du concept de violence physique
Dans ce contexte, l’analyse portera d’abord sur le terme de violence qui peut présenter des connotations diverses, comme, par exemple, «contrainte illicite, acte de force dont le caractère illégitime tient (par atteinte à la paix et à la liberté) à la brutalité du procédé employé (violence physique ou corporelle, matérielle)... Comprend... toutes les atteintes effectivement portées à l’intégrité corporelle...».5
Il faut également se rappeler de la relation de pouvoir qui est intrinsèque à la notion de violence, à partir de l’origine du terme qui la relie à l’idée de force, vigueur, autorité, capacité. C’est alors là que la violence se transforme en objet d’intérêt pour le droit, quand les limites et les règles qui délimitent les comportements de l’homme sont violées.6
Le droit international a porté une attention spéciale sur la question de la violence, que se soit dans le sens général de son emploi ou dans des cas spécifiques comme celui de l’apartheid, de la répression des crimes contre l’humanité, du génocide, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires, et encore d’autres circonstances d’emploi de la violence comme la torture, des peines et traitements inhumains et dégradants.
Il est possible de constater que le système onusien a contribué de façon remarquable à l’emprise du droit sur la notion de violence physique. On voyait déjà dans les préambules de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme l’inquiétude de délivrer l’homme de ses souffrances.7
Tous les crimes traités par le droit international impliquent des actes de violence d’ordre physique ou moral, mais on ne sortira pas du contexte des actes de violence physique qui ont touché la conscience de la société internationale. Il sera pris, comme exemple, les Statuts des Tribunaux Pénaux Internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR), le Statut de la Cour Pénale Internationale (CPI) et aussi la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide lorsqu’ils interdisent: la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé;8 l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe,9 la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;10 les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles, les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol,11 la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur;12 le fait de soumettre des personnes d’une partie adverse tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l’intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé;13 les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants.14
Toutes ces prohibitions sont marquées par un point commun, celui du combat de la violence par la garantie de l’intégrité physique et morale de l’homme. Au sens inverse, tous les actes qui portent atteinte à l’intégrité de la personne sont caractérisés comme violents et leur conséquence directe est la souffrance et la douleur. Foucault a bien décrit cette liaison de concepts quand il a mesuré le tourment par «l’art quantitatif de la souffrance», qui doit être régulée par le «type de souffrance physique, l’intensité, la durée des souffrances par la gravité du crime, la personne du criminel et le niveau social de ses victimes».15
Le droit international vient justement jouer un rôle très important dans la qualification et la quantification de la violence physique. Il détermine le sujet actif et passif de la violence, ensuite il détermine l’acte violent -celui qui peut être considéré en tant que tel-, et finalement il essaye de mesurer l’intensité de la souffrance humaine16 qui sera déterminée par la gravité de l’acte, comme par exemple, le seuil de gravité de la torture et des traitements inhumains et dégradants.
Pour le droit international, l’intégrité de l’individu ne peut être assurée que par la garantie d’un traitement humain. Devant une telle affirmation, se pose la question de ce qui peut être considéré comme inhumain. Dans un premier temps, il vient à l’esprit l’idée que l’inhumain est un acte qui sort de la sphère humaine. Mais selon l’analyse de Sevely,17 l’acte inhumain serait la conséquence de la déshumanisation de son auteur ou serait-il seulement lié à la déshumanisation de l’action? Ensuite, on pourrait penser à l’idée d’injuste, d’indigne, parce que ces actes sortent du domaine de la morale et de la dignité. «L’acte inhumain est alors l’implacable révélateur du paradoxe de la nature humaine: inhumain par ses manifestations, l’acte est humain par son origine, son auteur».18
Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) adopté le 8 juin 1977, aborde la question de l’humanisation du traitement des individus de façon très directe, tout en consacrant son titre II à cette approche,19 lorsqu’il définit que ne seront pas considérées comme un traitement humain les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des individus et les traitements cruels comme la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ou encore les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur.20
Dans le même ordre, la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid21 a aussi abordé la violence physique comme des actes qui pourraient provoquer la destruction physique totale ou partielle d’un ou de plusieurs groupes raciaux.
En ce qui concerne la question de la torture et des peines et traitements inhumains et dégradants, on peut observer deux sortes de traités de droit international qui prévoient l’interdiction de tels actes (que se soit au niveau du système onusien ou des systèmes régionaux de protection des Droits de l’Homme). Tout d’abord, il y a les traités spécifiques sur la matière et ensuite, il y a les traités d’ordre général ou qui ont été adoptés dans le cadre des crimes du droit pénal international qui ont eu aussi pour effet de renforcer cette interdiction.
Premièrement, tout en rappelant la logique du raisonnement juridique par rapport à la violence, on prendra comme exemple la Déclaration de l’ONU sur la protection de toutes les personnes contre la torture et les peines et traitements cruels, inhumains et dégradants.22 Dans son article premier, on peut apercevoir clairement les mesures imposées par le droit pour qualifier et quantifier la violence.
Cet article nous propose deux sortes de mesure de la violence: une mesure qualitative, lorsque le législateur international a qualifié, dans le 1er paragraphe, la violence de l’acte par son résultat -la souffrance physique ou mentale est indispensable pour que l’acte puisse tomber sous le coup du droit-; et une mesure quantitative, lorsque qu’il spécifie le niveau de souffrance qu’il faut atteindre -1er et 2ème paragraphes par les expressions ‘aiguës’ et ‘forme aggravée’.
Dans cette optique, on ne peut pas ignorer les approches données par la Convention de l’ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants23 et la Convention Interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture.24 La première nous propose un dispositif beaucoup plus large que celui de la Déclaration de l’ONU contre la torture, car elle ne limite pas la pratique de la torture par les agents de l’Etat, elle prévoit encore que ces actes peuvent être fondés sur des motivations discriminatoires, et étend les actes de violence pour les traitements cruels, inhumains et dégradants. Jusque là, notre analyse se contente de résumer les traits divergents entre ces traités, ceux qui ont été déjà exploités par la doctrine spécialisée sur le sujet.
Toutefois, cette Convention pourrait avoir été beaucoup plus protectrice si les mesures quantitatives de la souffrance n’avaient pas été limitées par la détermination de l’agent de la fonction publique directement ou indirectement, à l’égard des traitements cruels, inhumains et dégradants qui ne sont pas englobés par les pratiques comme la torture selon l’article 1er du texte. En d’autres termes, dans les circonstances de souffrance aiguës provoquées par une tierce personne autre que les agents publics («à titre officiel, à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite»),25 on aura une limitation de la portée du texte conventionnel, car les pratiques commises par des particuliers ne rentreraient pas dans ce contexte.
De son coté, la Convention Interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture a eu une approche tout à fait particulière, dans son 2ème article, par rapport à la mesure de la violence. Tout d’abord, sur la question de la mesure qualitative, elle a innové lorsqu’elle a utilisé le terme ‘châtiment corporel’, en tant qu’acte violent qui tombe sous le coup de la torture. Si l’on analyse brièvement le terme châtiment, on aura l’impression de sortir du domaine du droit et de revenir au domaine de la vengeance. Par châtiment, on entend «punition sévère donnée à celui qui a commis une faute, pour le corriger».26 Le terme ‘punition’ peut avoir une connotation différente de celle de ‘condamnation’ au sens juridique. Il donne marge à une interprétation qui sort de la sphère d’une peine prononcée par une autorité légitime, surtout lorsque l’article 2 de la Convention laisse ouvert la notion de torture à «tout acte par lequel sont infligées intentionnellement à une personne des peines ou souffrances, physiques ou mentales», sans déterminer le sujet actif de tel acte.
Il faut également mentionner une autre partie de l’article en question qui a innové par rapport aux approches qualitative et quantitative de la violence: «...visant à annuler la personnalité de la victime ou à diminuer sa capacité physique ou mentale même si ces méthodes et procédés ne causent aucune douleur physique ou angoisse psychique». La mesure qualitative est celle de l’acte que vise l’annulation de la personnalité ou la diminution des capacités de la victime. D’un autre coté, la mesure quantitative déterminée par cette disposition a pu élargir considérablement la notion de torture, car le seuil de gravité de la souffrance ne peut plus seulement être établi par le niveau de douleur physique ou psychique de la victime. Un acte peut tomber sous le coup de la torture -modalité quantitativement la plus aggravée de la violence-, même en l’absence de toute forme de douleur. Cela étant, la ‘simple’ exposition à la violence, pourrait justifier la violation de la présente convention.
Une autre approche intéressante est celle donnée par le principe n°4 de l’ensemble des Principes d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.27 Ce dispositif laisse entrevoir que l’usage de la mesure quantitative de la souffrance a été parfaitement définie par le législateur international lorsqu’il a déterminé la portée de la violence des actes des agents du corps médical par l’aide à la soumission des prisonniers à la violence. Si la règle avait été disposée différemment, par la détermination des actes de violence en soi, cela aurait limité la mesure quantitative par rapport à la détermination de l’auteur de l’acte, c’est-à-dire, s’il n’y avait que ‘l’aide à la soumission’, les membres du corps médical impliqués ne seraient pas tenus comme responsables pour cet acte de violence. D’une façon générale, on peut observer que la torture et les peines et traitements cruels, inhumains et dégradants ont été interdits par de nombreux traités internationaux, que ce soient les traités adoptés spécifiquement pour interdire ces pratiques ou les traités qui prévoient d’autres crimes de droit pénal international,28 ou encore les traités des Droits de l’Homme d’ordre général.29
Il est aussi important de faire allusion aux traités, règles et principes internationaux relatifs au traitement des détenus, car leur condition de vulnérabilité les rend plus susceptibles d’être l’objet de toute sorte de violence, traduite par les atteintes à leur intégrité physique et morale. Les prisonniers, d’une façon générale, sont plus susceptibles d’actes de violence, parce que la prison en soi représente un endroit de limitation des droits de la personne, qui de nous jours, dépasse la privation de liberté. Les mesures qualitatives dans l’ensemble des traités, des règles et principes sur la matière, peuvent être vues d’une façon générale par la nécessité de garantir l’intégrité physique et morale des individus par le respect de la dignité humaine30 et à cet égard, on s’apercevoit que l’intégrité et la dignité, dans le cadre des personnes privées de liberté, sont assurées, dans la plupart des cas, par les mesures qui doivent garantir la santé physique et mentale des prisonniers.31 Pour cela, le droit international interdit, de façon générale, les actes médicaux qui ne seraient pas motivés par l’état de santé des personnes, le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices, la réduction de nourriture, les châtiments corporels, la réclusion dans une cellule obscure, dans un cachot ou en isolement, les abus et l’exploitation sexuels, physiques et émotionnels et toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme.
B. L’analyse qualitative et quantitative des critères d’ordre relatif et universel
Après avoir expliqué de façon générale notre approche quantitative et qualitative des mesures utilisées par le droit pour incriminer les actes de violence physique, il est temps de procéder à l’analyse des telles mesures à partir des critères relatifs et universels qui pourraient limiter ou élargir l’étendue du droit international sur la matière.
a. Les mesures qualitatives
Différemment de la sociologie qui se focalise sur l’explication des causes, l’origine et les conséquences de la violence, le droit ne s’intéresse qu’à sa mesure.
Les mesures qualitatives, comme on l’a déjà mentionné, sont liées à la détermination de l’acte de violence, son auteur et sa victime, mais il y a d’autres circonstances exogènes qui pourraient limiter considérablement la portée des traités internationaux, ce qu’on peut apercevoir par l’analyse des critères suivants:
i. Critères relatifs
Il faut commencer par la notion même du terme ‘relatif’: «limité aux relations des personnes déterminées, qui ne concerne qu’une personne déterminée, qui admet certaines dérogations, limité à certains cas».32A partir de cela, on peut conclure que les critères relatifs auront une fonction limitatrice de la norme, qui à la base devrait être universelle, car elle garantit des droits liés à la nature humaine, ce qui justifie le caractère transcendant des Droits de l’Homme. Dans ce sens, comment parler alors de la possible existence de certaines circonstances qui pourraient limiter la portée des normes universelles? Ses limites se trouveraient-elles à l’intérieur ou à l’extérieur de la norme internationale? C’est ce que l’on essaiera d’analyser à présent.
En ce qui concerne les sujets de la violence, le droit international les a séparés par auteurs et victimes, qui à leur tour peuvent être directes et indirectes.
Selon les critères d’ordre relatif, on peut constater que certains traités limitent leur portée à des individus déterminés, c’est-à-dire, ou parce que l’auteur de l’acte de violence doit être un agent de l’Etat -autorité publique-, ou qui il agisse à titre officiel, à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite de l’autorité publique,33 ou parce que la victime est déterminée. Dans le premier cas, la norme sera considérablement limitée, car elle ne prévoit pas la responsabilité de l’Etat par l’omission devant son devoir de protéger de façon générale ses nationaux, des actes de torture, peines ou traitements inhumains ou dégradants. Si la norme avait prévu une ouverture par rapport au sujet actif de la violence, cela pourrait garantir une extension beaucoup plus large de la prohibition.
Quant aux victimes des actes de violence, l’article 11 de la Déclaration de l’ONU sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, stipule que «Quand il est établi qu’un acte de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont été commis par un agent de la fonction publique ou à son instigation, la victime a droit à réparation et à indemnisation, conformément à la législation nationale».
Ce dispositif relativise considérablement la portée de la norme prohibitive. Dans les circonstances où l’acte n’a pas été commis par l’autorité, l’octroi de la réparation de la victime des actes violents n’est pas garanti par la norme. On revient à nouveau à la même situation, l’Etat ne serait pas responsable de l’omission à son devoir de protéger ses nationaux de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cette règle relativise aussi la souffrance des individus qui ont subi des atteintes à leur intégrité physique et morale, car peu importe la gravité de l’acte, l’absence de protection ou la gravité de ses conséquences, si la violence n’a pas été commise par une autorité publique ou à son instigation, l’acte ne sera pas importé par ce traité.
A partir de cette analyse, il faut faire face à l’emprise relative du droit à l’égard des moyens utilisés par l’auteur, c’est-à-dire, quel type d’action peut ou non se caractériser comme violente. Il vient d’être abordé deux situations où l’omission de l’Etat n’impliquerait pas sa responsabilité, mais il faut souligner que dans ces deux cas, l’omission n’a pas été mentionnée par la règle -elle est le résultat interprétatif de la norme-. En d’autres termes, il y a un vide dans ces dispositifs à l’égard de la responsabilité de l’Etat face à l’omission de son devoir de protéger ses nationaux et interdire la torture et les mauvais traitements.
L’approche qualitative des mesures de la violence utilisées par le droit international peut aussi être relativisée par d’autres circonstances qui sont à la fois exogènes et endogènes à la norme. Comme exemple clair, on prendra le § 2 de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.34
Pourquoi considérer que les circonstances qui relativisent ce dispositif sont à la fois exogènes et endogènes? On pourrait répondre cela par le fait que, la norme en soi, prévoit que les conditions juridiques, sociales, économiques et géographiques des pays sont très variées. C’est le dispositif lui-même qui relativise l’étendue de sa portée par rapport à ces conditions (sociales, juridiques, géographiques des Etats), ce qui caractérise une limitation endogène (le texte normatif lui même prévoit cette relativité), car ces conditions peuvent souffrir des variations très différentes dans chaque Etat. Par contre, la circonstance exogène à la norme qui limite l’amplitude protectrice du texte normatif est le niveau de développement des Etats en tant que tel. Cette limitation n’est pas prévue directement dans le texte, mais elle est toute à fait capable d’influencer directement la qualité de vie des personnes.
Il est évident que les critères économiques, sociaux et culturels auront un poids considérable lors de la matérialisation des droits de l’Homme, surtout parce que les droits fondamentaux, dans certaines régions, ont un caractère d’urgence voire de survie -relativité de la priorité des droits économiques, sociaux et culturels par rapport aux droits civils et politiques-. Pour remédier à ces disparités et garantir l’universalité de la portée des droits de l’homme, on a vu dans l’exemple du §2, que le droit international, dans de nombreux cas, a laissé une marge d’actuation beaucoup plus étendue aux Etats pour l’assurance progressive de certains droits d’ordre matériel. Mais à partir du moment où un traité, lui-même, dispose d’une règle qui prévoit cette marge d’application plus étendue, la matérialisation de ces règles peut être encore plus compromise.
Cette circonstance relative endogène qui limite la matérialisation des règles contre la violence physique ou morale est différente, par exemple, de certains traités qui abordent les problèmes d’ordre économiques, sociaux et culturels non pas par l’étendue de son application, mais d’une façon générale comme moyen de constatation des faits, comme par exemple ce que prescrivent les préambules de la Charte des Nations Unies et de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme.35
C’est à partir de ce raisonnement que l’on commence à avoir les premières pistes qui permettraient de répondre aux questions soulevées antérieurement quant à l’existence de certaines circonstances qui pourraient limiter la portée des normes universelles et la place des obstacles qui limitent cette portée.
ii. Les critères universels
La portée universelle des Droits de l’Homme est indiscutable, ce qui a été défendu par l’école du droit naturel, selon l’idée que «le droit, et plus encore celle du droit naturel, sont manifestement des idées relatives à la nature de l’homme. C’est donc par cette nature même de l’homme, de sa constitution et de son état, qu’il faut déduire les principes de cette science».36 Pour le droit naturel, le droit sert à diriger les actions des hommes et «pour le faire avec succès, il faut reprendre les choses dès leur origine, et notamment à la nature et à la constitution de l’homme, il faut développer quel est le principe de ses actions, et quels sont les états qui lui sont propres, afin de voir ensuite comment et en quoi il est susceptible de direction dans sa conduite».37
La conception contemporaine des droits de l’Homme a été marquée par son universalité et son indivisibilité. L’universalité à l’égard de son extension universelle, basée sur la condition humaine comme pré-requis de la titularité des droits quand l’être humain devient transcendantal d’où la nécessité du respect de la dignité se trouve à la base de son existence. L’indivisibilité par le critère d’interdépendance conjugue les droits civils et politiques avec les droits économiques sociaux et culturels.38
L’universalité des droits de l’homme suppose alors le dépassement de l’individualisme,39 ce sont des droits admis par l’ensemble de la société internationale, mondialement reconnus, ce qui sera l’opposé de la notion de relatif que l’on vient d’exposer.
La grande majorité des traités qui portent sur les droits fondamentaux ont une portée universelle, c’est-à-dire qu’ils ont une extension très large, qui touche le plus grand nombre d’individus possibles, mais en même temps, ce sont des droits individuels, qui visent à garantir l’intégrité et la dignité individuelle de chaque personne.
Dans ce sens, en ce qui concerne notre analyse sur le concept de violence physique délimité par le droit international, la présence de critères d’ordre universel est presque partout, car les violences qui préoccupent le droit sont prohibées de façon générale.
Par rapport aux sujets de la violence, la plupart des traités de portée universelle utiliseront certains termes pour marquer la large extension des dispositifs, comme par exemple «‘Aucun Etat’40 ne peut autoriser ou tolérer la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants», ou encore «‘Aucun responsable de l’application des lois’ ne peut infliger, susciter ou tolérer un acte de torture ou quelque autre peine ou traitements cruels, inhumain ou dégradant».41 Dans ce dernier passage, même lorsque la norme fait référence aux responsables de l’application de la loi -sujet direct de la destination du code-, le dispositif en question ne se limite pas à un seul type d’agent qui applique la loi, il laisse entrevoir une marge d’extension beaucoup plus étendue qui touche tous les responsables de cette application.
Lors de l’analyse de l’article 11 de la Déclaration de l’ONU sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,42 il est possible constater qu’au-delà de la portée relative de ce dispositif par rapport à la qualité d’agent de la fonction publique déterminera le droit à la réparation des victimes, l’extension par rapport à l’auteur n’est pas aussi limitative qu’on ne le croit. On procédera à la division du dispositif en deux parties, la première concernant l’auteur et la deuxième concernant la victime de l’acte.
Pour l’auteur, la norme a une vaste amplitude, car elle comprend tous les agents de l’Etat, ce qui implique tous ceux qui agissent en son nom et encore sous son instigation. Il n’y a pas ici de limitation de l’auteur à l’encontre d’une seule catégorie d’agents et l’unique moyen de l’étendre encore plus serait de prévoir la interdiction de l’acte de violence par tout individu, qu’il ait ou non la qualité d’agent de l’État. Du coté de la victime, cette norme est très limitative, comme on l’a d’ailleurs déjà expliqué, car c’est cette condition d’agent de la fonction publique (où à son instigation) qui détermine le droit à la réparation. C’est donc une relativité conditionnée par rapport au résultat -le droit à la réparation-.
Pour la détermination des victimes de la violence, les traités sont extensifs, la grande majorité des textes aborderont le sujet passif par des expressions comme: ‘toute personne’, ‘aucune personne’, ‘tout être humain’, ‘tout individu’ ou ‘nul’.43
Pour les moyens utilisés ou les actes qui sont définis comme violents, le droit international a utilisé comme points de départ le respect de l’intégrité physique et morale de la personne et la dignité humaine. On peut apercevoir l’inquiétude de sauvegarder ces droits essentiels dans la quasi totalité des traités qui portent sur les Droits de l’Homme, surtout lorsqu’ils abordent la question de la violence et déterminent la nécessité de garantir un traitement humain.44
b. Les mesures quantitatives
Il a déjà été mentionné que les mesures quantitatives de la violence définies par le droit international sont en général relatives à la détermination de deux types d’échelle, celle du seuil de gravité de l’acte et celle du seuil d’intensité des souffrances. Les critères universels utilisés par rapport à cette mesure quantitative sont liés à la garantie de l’intégrité et de la dignité humaine, ce qui n’est pas différent pour les mesures qualitatives, mais dans ce cas, ce qui importe est le degré d’intensité (de la gravité ou de la souffrance provoquée) qui différentie les actes de violence comme plus ou moins graves ou qui seront capables de produire des conséquences plus ou moins néfastes.
Dans l’échelle universelle, il est courant de voir la séparation, par exemple, de la torture des peines et traitements cruels, inhumains et dégradants.45 Dans ce sens, le droit jurisprudentiel a apporté une grande contribution, lors de l’arrêt Tomasi contre la France, du 27 août 1992 (11), comme l’a cité Frédéric Sudre,46 quand il a mentionné que la Cour a «heureusement abandonné cette analyse» (qui subordonnait l’applicabilité de l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme au seuil de gravité des souffrances),
...à propos des brutalités policières commises sur une personne placée en garde à vue. Etablissant une ‘présomption de gravité’, le juge européen estime que le recours à la force physique sur une personne privée de liberté atteint, en soi, le «minimum de gravité» requis pour relever de l’article 3 et ne retient donc plus le critère originaire d’applicabilité de l’article 3. C’est donc tout usage de la force physique sur une personne en situation d’infériorité, car privée de liberté, qui est interdit et tombe sous le coup de l’article 3.47
Ce caractère de ‘présomption’ assouplit le seuil de gravité de la torture, mais cela est une évolution venue de la jurisprudence et non pas de la norme internationale en tant que telle.
L’article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de l’ONU détermine, entre autres, que «le terme «torture» désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne», jusque là, on voit que la souffrance ou la douleur provoquées doivent être intenses, considérées comme aiguës, mais la suite du texte limite la portée de sa première partie lorsqu’il détermine que cette souffrance ou douleur doit être provoquée:
aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit...
Il y a là une limitation relative à la motivation de l’acte, qui dépend d’une certaine façon de ses conséquences (douleur et souffrance). Si la motivation de l’auteur ne rentre pas dans cette liste des cas énumérés, l’action ne sera considérée comme torture, même si elle est capable de provoquer des résultats néfastes à la victime.
De leur coté, l’article 2, alinéas ‘a’, ‘b’ et ‘c’ de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,48 l’article 2 , § 2, aliénas ‘a’, ‘b’ et ‘c’ du Statut du TPIR49 et l’article 4, §2, ‘a’, ‘b’ e ‘c’ du Statut du TPIY50, peuvent aussi avoir une portée relative liée aux mesures quantitatives lorsque le législateur sépare les atteintes à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe de la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence qui doivent entraîner sa destruction physique totale ou partielle. Cela peut occasionner le risque de passer ces ‘conditions de vie’ à une échelle moins grave que celle des actes qui pourraient porter atteinte à l’intégrité parce que si ces critères de définition du crime de génocide sont analysés séparément, cela implique que cette soumission du groupe à des conditions qui peuvent entraîner leur destruction physique totale ou partielle n’est pas considérée comme une atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des ces personnes.
Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), dans son article 4, § 2, des alinéas ‘a’ à ‘h’,51 sépare les actes de violence par rapport à leur gravité. D’un coté, on note les traitements cruels, dont la torture, les mutilations et les peines corporelles font partie et de l’autre, les traitements humiliants, dégradants, les punitions collectives, etc. L’intérêt de cet article tient justement au fait que le législateur n’a pas repris la formule de l’échelle universelle de gravité des actes, car il a considéré la torture comme forme de traitements cruels, ce qui est différent de la plupart des traités qui procèdent à la séparation suivante: torture, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Un autre exemple de traité qui a aussi apporté une qualification différente par rapport à l’échelle universelle établie par la mesure de la violence est la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid dans son article 2, alinéa ‘a’, ii.52 L’atteinte à l’intégrité physique ou mentale a été considérée comme acte séparé / différent de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, ce qui peut aussi anéantir la portée du droit à l’intégrité (qui est à la base de la garantie même du principe de dignité humaine).
A son tour, la Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, dans son article 3, §1, alinéas ‘a’ et ‘c’,53 peut laisser marge à l’interprétation selon laquelle les actes qui portent atteinte à l’intégrité physique pourraient être plus graves que ceux qui portent atteinte à la dignité, parce que ces derniers sont équiparés aux traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout autre atteinte à la pudeur, tandis que les premiers considèrent comme une atteinte à l’intégrité corporelle, le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices.
D’une façon générale, il est clair que le droit international a insisté sur la tentative de maîtriser la violence, mais ce que l’on ne peut pas laisser passer inaperçu est la nécessité d’établir toujours un minimum d’intensité, soit de la gravité, soit des souffrances occasionnées par l’acte. La logique du législateur international a suivi une ligne constante pour la qualification et la quantification de la violence, sauf exceptions que l’on a analysées, ce qui jouera un rôle essentiel pour l’interprétation et l’application du droit par les juges, ce que l’on analysera dans cette première partie.
III. Conclusion
La préoccupation de la violence a toujours été au cœur de la pensée juridique. Le droit international a porté une attention spéciale sur la question de la violence, que se soit dans le sens général de son emploi ou dans des cas spécifiques comme celui de l’apartheid, de la répression des crimes contre l’humanité, du génocide, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires, et encore d’autres circonstances d’emploi de la violence comme la torture, des peines et traitements inhumains et dégradants.
Le droit international s’est entouré de certains critères pour déterminer la mesure de la violence dans la tentative de la combattre et il n’est pas resté immobile car le droit international des Droits de l’Homme, plutôt que le droit pénal international ou le droit humanitaire, représente le domaine du droit le plus capable de faire tomber les barrières existantes entre les normes internationales et les législations internes des Etats.
Grâce à l’évolution des Droits L’Homme, l’individu a trouvé sa place dans le scenario international. La concrétisation de cela passe par l’œuvre des juges, chargé des matérialiser et appliquer la norme au cas concret.
«L’art de juger»54 se trouve entre les limites imposées par la loi et le comblement des lacunes et vides existantes dans les textes législatifs, par une perspective d’efficacité évolutive tout en rappelant que le juge ne peut jamais se mettre à la place du législateur.
Que ce soit le juge ordinaire ou celui placé au niveau international, leur raisonnement sera établie toujours à partir d’une analyse circonstancielle qui trouve son fondement dans chaque cas d’espèce, malgré la différence basée sur la possibilité d’établir la responsabilité pénale des individus qui appartienne aux tribunaux pénaux55 et pas aux juridictions contentieuses des Droits de l’Homme.
Nonobstant l’évolution des garanties matérielles des droits fondamentaux, des violations massives des ces droits sont encore une réalité. Dans nombreux Etats parties des traités des Droits de l’Homme, le niveau de garantie assuré aux individus laisse encore beaucoup à désirer. Que se soit par les différents niveaux de développement économique et social ou par un manque d’engagement des Etats, des obstacles à une pleine harmonisation interprétative continuent à exister.
La quête d’harmonisation, même dans des situations adverses vient justement essayer de combler ces lacunes. Lorsque les organes de protection des Droits de l’Homme recherchent la complémentarité, le renforcement des droits et garanties sont assurés, il est même possible d’affirmer que cela sert à préserver la sécurité juridique internationale, justement pour limiter l’action arbitraire des Etats parties.