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Revista latinoamericana de investigación en matemática educativa

versión On-line ISSN 2007-6819versión impresa ISSN 1665-2436

Relime vol.23 no.1 Ciudad de México mar. 2020  Epub 28-Mayo-2021

https://doi.org/10.12802/relime.20.2314 

Artículos

Analyse des interactions dans une classe où les élèves présentent des difficultés langagières : l’influence des pratiques d’une enseignante sur l’activité mathématique des élèves

Analysis of interactions in a class where students present language difficulties: the influence of a teaching practice on the mathematical activity of students

Raquel Isabel Barrera-Curin* 

Laurie Bergeron** 

Audrey Perreault*** 

*Université du Québec à Montréal, Canada. barrera.raquel@uqam.ca

**Université du Québec à Montréal, Canada. bergeron.laurie.2@uqam.ca

***Université du Québec à Montréal, Canada. aud.perreault@gmail.com


Résumé

Dans le cadre de cet article, nous nous intéressons aux pratiques enseignantes ainsi qu’à l’activité mathématique des élèves dans le contexte de l’éducation spécialisée au Québec. À cet effet, nous étudions une classe où le langage est un enjeu pour l’enseignante, vu les difficultés langagières des élèves. Nos analyses cherchent, d’une part, à déterminer les contraintes institutionnelles et sociales qui influencent les pratiques enseignantes en mathématiques et, d’autre part, à rendre compte des moyens langagiers de médiation utilisés par l’enseignante au cœur de sa pratique, dans le but de mener une activité mathématique avec ses élèves. Sous le regard de la double approche didactique et ergonomique ainsi que de l’épistémologie maturanienne, nous présentons une méthodologie à trois niveaux permettant d’approcher la complexité de la pratique enseignante dans le contexte particulier de cette classe. Par l’entremise de l’analyse des formes de travail ainsi que des interactions langagières, nous exposons l’impact des contraintes institutionnelles sur la pratique de cette enseignante concernant les possibilités de mener une activité mathématique.

Mots clés: Interactions langagières; Activité mathématique; Pratique enseignante; Difficultés de langage

Resumen

En este artículo, nos interesamos en las prácticas de enseñanza, así como en la actividad matemática de los alumnos en el contexto de la educación especial en Quebec. Con este fin, estudiamos una clase donde el lenguaje se presenta como un problema para el maestro, dadas las dificultades lingüísticas de los alumnos. Nuestro análisis busca, por un lado, determinar las restricciones institucionales y sociales que influyen en las prácticas docentes en matemáticas y, por otro, dar cuenta de los medios lingüísticos de mediación utilizados por una maestra al intentar realizar una actividad matemática con sus alumnos. Bajo la mirada del doble enfoque didáctico y ergonómico, así como de la epistemología de Maturana, presentamos una metodología en tres niveles que permite abordar la complejidad de la práctica docente en el contexto particular de una clase. A través del análisis de las formas de trabajo y las interacciones lingüísticas, exponemos el impacto de las restricciones institucionales en la práctica de una maestra con respecto a las posibilidades de llevar a cabo una actividad matemática.

Palabras clave: Interacciones lingüísticas; Actividad matemática; Práctica docente; Difficultades de lenguaje

Abstract

For the purposes of this article, we focus on teaching practices as well as the students’ mathematical activity in the context of special education in Quebec. To this end, we study a class where language is an issue for the teacher, given the language difficulties of the students. Our analysis seek, on the one hand, to determine the institutional and social constraints that influence teaching practices in mathematics and, on the other hand, to report on the means of mediation used by the teacher at the core of his/her practice for the purpose of conducting a mathematical activity with his/her students. Under a didactic and ergonomic approach as well as from the Maturanian epistemology, we present a three-level methodology to approach the complexity of teaching practice in a class within this particular context. Through the analysis of work organisation types as well as language interactions, we expose the impact of institutional constraints on the practice of this teacher concerning the possibilities of conducting a mathematical activity.

Keywords:  Language interactions; Mathematical activity; Teaching practice; Language difficulties

Resumo

Nesse artigo nós nos interessamos as práticas de ensino assim como a atividade matemática dos alunos em um contexto de educação especializada no Quebec. Para tal, nós analisamos uma classe onde a linguagem é uma questão importante para a professora considerando as dificuldades de linguagem de seus alunos. Nossas análises procuram, de uma parte, determinar as imposições institucionais e sociais que influenciam as práticas de ensino de matemática e, de outra parte, relatar os mecanismos linguísticos de mediação usados pela professora no centro da sua prática com o objetivo de conduzir uma atividade matemática com seus alunos. Sob o ângulo da dupla abordagem didática e ergonômica, assim como a epistemologia maturana, nós apresentamos uma metodologia em três níveis que permitem de abordar a complexidade da prática de ensino no contexto particular dessa classe. Através uma análise das formas de trabalho assim que das interações linguísticas expormos o impacto das imposições institucionais sobre a prática de ensino dessa professora em relação as possibilidades de conduzir uma atividade matemática.

Palavras chave: Interações linguísticas; Atividade matemática; Dificuldades de linguagem; Práticas de ensino de matemátic

1. Problématique

Dans le cadre de cet article, nous centrons nos analyses sur les interactions langagières dans une classe regroupant des élèves présentant des troubles auditifs, ainsi que certains diagnostics différenciés tels qu’une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme.

Au Québec, de nombreux élèves scolarisés présentent des difficultés langagières, tant au niveau expressif qu’au niveau de la compréhension. Or, si le langage constitue l’outil principal de l’enseignant.e dans la réalisation de son travail (instructions, aides, consignes, monstrations appuyées de verbalisations, etc.), dans le contexte d’une classe spéciale regroupant des élèves avec diverses problématiques langagières (Odier-Guedj, 2010; Odier-Guedj & Gombert, 2014), trouver des moyens pour mener à bien son projet d’enseignement devient un enjeu majeur. Parmi la grande variété de formes que peuvent prendre les difficultés des élèves (Odier-Guedj, 2010), certaines se manifestent plus spécifiquement dans un contexte d’apprentissage des mathématiques. Par exemple, l’usage de termes du quotidien pouvant amener à des déplacements de sens de l’objet mathématique évoqué, les contenus descriptifs, l’explication et l’analyse de procédures, l’articulation entre différentes notions mathématiques ou encore les mises en relation entre mathématiques et vie quotidienne. Dès lors, les enseignants se trouvent dans l’obligation - prescription d’un travail qui doit être adapté aux besoins et difficultés des élèves (MELS, 1999) de modifier et d’adapter leurs façons d’agir. Cette prescription de leur travail se fait toutefois sans proposition de moyens opérationnels pour les atteindre. Les enseignants se trouvent ainsi contraints de déterminer et de mettre en place eux-mêmes ces moyens.

Les approches ergonomiques et didactiques sous-tendant ce projet suscitent certaines questions : quelles formes prennent ces adaptations ? Les enseignant.e.s, utilisent-ils/elles d’autres moyens que le langage parlé pour favoriser les interactions langagières avec leurs élèves ? Et si oui, quels types d’interactions se produisent en classe ? Et finalement, à quelles conditions dans ce contexte spécifique de l’éducation spécialisée, les pratiques enseignantes contribuent-elles à la production d’une activité mathématique1 chez les élèves ?

Dans cet article, nous présentons d’abord les fondements épistémologiques et théoriques afin de préciser notre conception de l’activité mathématique ainsi que pour nous situer théoriquement vis-à-vis des chercheurs étudiant les liens entre langage et activité mathématique, pour ensuite exposer notre cadre d’analyse des pratiques enseignantes. Il s’agit pour nous de présenter un cadre d’analyse novateur pour l’étude des pratiques enseignantes. Le contenu de cet article nous permet d’illustrer son usage par l’analyse d’une séance. À la lumière de ce cadre, nous proposons une méthodologie à plusieurs niveaux nous permettant d’appréhender la pratique enseignante selon l’ici et maintenant de la classe, en plus de considérer les différentes contraintes qui pèsent sur celle-ci. Nos analyses nous amènent à une meilleure compréhension de la pratique observée, favorisant ainsi des réflexions menant l’enseignante à envisager des transformations au cœur de ses pratiques (cf. Discussion). Finalement, nous présentons une analyse des interactions langagières autour d’objets mathématiques dans le contexte d’un cours de cuisine au sein duquel une enseignante aborde des procédures élémentaires de dénombrement et de comparaison.

2. Contexte théorique, fondements épistémologiques

2.1.Qu’est-ce que l’activité mathématique ?

L’expression activité mathématique rend compte d’un processus d’appropriation et de réflexion pour répondre à un problème donné (Maheux & Proulx, 2014; Proulx, 2015 ; Radford, 2010; Lave, 1988; Hoyles, 2001). Elle prend cependant des significations variées suivant les fondements épistémologiques des auteurs ou des professionnels qui en font l’usage.

Dans le cadre de notre recherche, l’activité mathématique est définie à la lumière de la théorie biologique de la connaissance (Maturana & Varela, 1998). Elle est action et elle est langage. Elle est émergence et mise en œuvre de stratégies. Elle se produit au cœur d’un processus de communication (Maturana & Varela, 1998) résultant « des coordinations des coordinations de l’agir » (Maturana & Verden-Zöller, 2008) de l’enseignant.e et de l’élève. En conséquence, elle ne peut être réduite à un processus de transmission d’information, puisque la communication « depends on not what is transmitted, but on what happens to the person who receives it » (Maturana & Varela, 1998, p. 196). Dans ce contexte, l’environnement - la classe, le milieu d’apprentissage, les situations mathématiques et les tâches prescrites - est considéré comme un déclencheur d’actions (Figure 1). Ces actions, de l’élève et de l’enseignant.e, offrent une porte d’entrée pour observer leurs connaissances (René de Cotret, 1999). Au cœur des interactions, l’appropriation d’objets mathématiques « n’entraîne pas nécessairement les mêmes conséquences pour toutes les personnes, car c’est un processus historique, situé et individuel » (Notre traduction. Bauersfeld, 1995). Comme Bauersfeld (1995) le soulève: « only across social interaction and permanent negotiations of meaning can “consensual domains” emerge » (p. 275). Il s’agit donc de co-inspiration et de coexistence en harmonie avec l’environnement et tout ce qu’il rend possible. L’élève et l’enseignant.e agissent ainsi dans un espace éthique où leur légitimité propre est reconnue par l’autre (Maturana & Verden-Zöller, 2008). L’élève et l’enseignant.e agissent ainsi dans un espace éthique où leur légitimité propre est reconnue par l’autre (Maturana & Verden-Zöller, 2008).

Figure 1 Les coordinations des coordinations des êtres vivants au cœur de l’épistémologie Maturanienne (Maturana & Varela, 1998, p.74

Mais que se passe-t-il lorsque les interactions doivent se produire dans un contexte où, entre autres, une des plus grandes difficultés des élèves est le langage parlé ? Selon Maturana et Verden-Zöller (2008), l’interaction émerge dans le langage comme une façon de coexister dans les coordinations des coordinations de l’agir :

language is not a domain of abstractions or symbols, it is a concrete domain of coordinations of coordinations of concrete doings [...] We humans are not only languaging animals, but we exist in languaging, and we disappear as humans if language disappears. That is, it happens that we are in language not that we use language, that our being in language is our manner of existence [...], and that our psychic existence includes the relational dimensions of our languaging being (Maturana & Verden-Zöller, 1996, p. 4)

En d’autres mots, l’être humain et tout ce qui l’entoure « sont » dans le langage :

Languaging takes place in the various domains of our doings in the continuous realization of all our doings. [...] We do not use language and conversations; rather, anything we distinguish, including ourselves (as when we say “we”), occurs as a flow of conversations in a relational domain with others like ourselves. [...] A human being is a dynamic manner of being in language, not a body, not an entity that has an existence that can be imagined independent of language and that can then use language as an instrument for communication (Maturana &Verden-Zöller, 2008, p.112)

En conséquence, le langage, dans toutes ses formes (verbal, non verbal ou paraverbal), devient l’élément fondamental à explorer dans le cadre de notre recherche.

Plus précisément, les conceptualisations vis-à-vis du langage au sein de l’épistémologie maturanienne, nous amènent à nous questionner sur l’impact des contraintes qui pèsent sur les pratiques enseignantes lorsqu’il est question de déclencher une activité mathématique avec des élèves présentant des troubles langagiers.

2.2.Le langage dans toutes ses formes au cœur de l’activité mathématique

Plusieurs recherches en didactique des mathématiques (e.g. Barrera-Curin & Chesnais 2015; Barrier & Mathé, 2014; Bulf, Mathé & Mithalal, 2014; Bulf, Mithalal & Mathé, 2015; Chesnais, 2018; Coulange, 2015; Durand-Guerrier & Chellougui, 2015; Giroux, 2004; Gobert, 2014; Mathé, 2012; Mathé & Mithalal, 2014; René de Cotret, 1999) et en éducation mathématique (e.g. Barwell et al, 2016; Boero & Consigno, 2007; Erath & Prediger, 2018; Morgan, 2013; Moschkovich, 2010; Planas et al. 2018; Radford & Barwell, 2016; Sfard, 2012; Steinbring, 2005) se sont intéressées, de façon théorique ou expérimentale, au lien entre les interactions langagières, le langage et les mathématiques. Des recherches ont été menées dans le contexte de la classe ordinaire et en contexte de l’adaptation scolaire auprès d’élèves manifestant des difficultés d’apprentissage avec ou sans trouble du langage. Dans ces études, le langage est étudié principalement sous sa forme verbale.

Dans le cadre de nos recherches (Barrera-Curin, 2013; Barrera-Curin, Bulf & Venant, 2015; 2016 ; Barrera-Curin & Houle, 2018 ; Barrera-Curin, Bergeron & Perreault, 2019), le langage est une activité dialogique et située qui met en jeu la langue et ses codes écrits ou verbaux et qui se manifeste sous forme verbale, non-verbale ou para-verbale (Barrera-Curin, Bulf &Venant, 2016). Dans d’autres contextes, plusieurs recherches en éducation mathématique soutiennent le fait que le langage, sous différentes formes, est constitutif de l’activité mathématique des élèves (Davis & Nowat, 2010; Lakoff & Nuñez, 2000; Presmeg, 2002; Roth & Lawless, 2002). Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéressons aux différentes formes de langage (verbales et non-verbales) produites au cœur des interactions lorsqu’il est question de déclencher une activité mathématique avec des élèves présentant des troubles langagiers.

2.3.Les formes de langage et la spécificité des pratiques enseignantes

Dans une situation d’apprentissage donnée, le langage est situé (Gumperz, 1989), c’est-à-dire tributaire d’un contexte spécifique et d’échanges déterminés par les rapports entre les acteurs et leurs implications multiples dans cette situation (Bernié, 2002; Jaubert & Rebière, 2012). Pour étudier l’articulation entre langage et activité mathématique, dans un contexte scolaire où les difficultés langagières des élèves s’ajoutent aux contraintes déjà existantes influençant les pratiques enseignantes, il est nécessaire d’observer les pratiques de façon située.

Des études articulant des approches didactiques, psychologiques et ergonomiques (Robert & Rogalski, 2002; Hache, 1999; Robert, 2008 ; Rogalski, 2008 ; Roditi, 2011; 2013), proposent un modèle où les apprentissages potentiels des élèves seraient tributaires des tâches proposées, mais également de l’activité effective de l’enseignant.e en interaction avec ses élèves. Les pratiques enseignantes sont étudiées comme étant une gestion d’un environnement multiple, dynamique et ouvert puisque l’enseignant.e intervient sur les connaissances et sur ses élèves, alors que ces derniers évoluent, notamment en fonction de leur participation et des interactions dans la classe (Rogalski, 2003). Dans ce contexte, le regard ergonomique associé à une approche didactique (Robert & Rogalski, 2002 ; Robert, 2008 Roditi, 2011 ; 2013; Rogalski, 2008) permet d’analyser les contraintes de la situation (contraintes temporelles, connaissances antérieures des élèves, interprétation de la tâche, modalités de travail, etc.) influençant les activités de l’enseignant.e et de l’élève dans leurs interactions. C’est sur ces interactions, sur les moyens à disposition de l’enseignant.e lui permettant de les déclencher ainsi que sur leur potentiel en termes d’apprentissage mathématiques que nous portons une attention particulière dans le cadre de cette recherche.

2.4.Un modèle d’analyse pour approcher les pratiques enseignantes

La figure 2 illustre la mise en commun des éléments de la double approche et de nos fondements épistémologiques. La double approche propose un modèle d’analyse qui permet d’observer le lien entre l’activité de l’enseignant.e et celle de l’élève. Quoique cette approche ne partage pas les mêmes fondements épistémologiques qui soutiennent notre définition d’activité mathématique, leur articulation à des fins d’analyse nous semble pertinente. D’une part, elle nous offre des outils pour décortiquer l’activité de l’enseignant.e exerçant son métier, ses interactions avec l’activité des élèves ainsi que l’influence des actions de chacun des acteurs sur celles des autres. D’autre part, elle postule qu’il existe une interaction entre l’élève et le contenu mathématique qui est indépendante des actions de l’enseignant.e. (Rogalski, 2003).

Figure 2 Modélisation de l’activité enseignante (Barrera - Curin, Bergeron & Perreault, 2018

Dans notre schéma, l’ellipse extérieure représente les contraintes institutionnelles et sociales qui influencent, voire, contraignent l’enseignant.e à certaines logiques d’action. Les composantes institutionnelle et sociale caractérisent la prise en compte des programmes, des politiques, de la composition des classes (quantité et profil des élèves), des caractéristiques du contexte, des horaires de classe (Robert & Rogalski, 2002).

Ces composantes favorisent et contraignent les pratiques enseignantes en elles-mêmes et, de ce fait, participent au flux des coordinations des coordinations pouvant déclencher l’activité mathématique réalisée par les élèves. Les logiques d’action (cercle) résultent de la prise en considération par l’enseignant.e des contraintes sociales et institutionnelles (flèches) ainsi que de sa conception de sa profession, de ses élèves, de ses expériences professionnelles, de son rapport aux mathématiques (composante personnelle). Les composantes médiatives et cognitives (Robert & Rogalski, 2002) sont centrales dans l’organisation didactique des tâches mathématiques proposées par l’enseignant.e. Elles concernent les contenus mathématiques en jeu, le choix des tâches et leurs déroulements possibles, les aides proposées par l’enseignant.e, la gestion de classe, les formes de langage privilégiées par l’enseignant.e, les formes prévues par l’enseignant.e à travers lesquelles s’organiserait le travail des élèves.

Ainsi, les interactions de l’enseignant.e avec ses élèves ne sont pas linéaires, mais dynamiques. Au sein de ces interactions, chacun fait jouer des façons d’agir qui lui sont propres et qui reflètent des expériences passées, les représentations du rôle qu’il doit jouer dans la situation ainsi que sa manière de s’approprier les contenus de la tâche. En ce sens, la composante personnelle est au cœur d’un processus. Elle permet de faire émerger dans le présent (Varela, Thompson & Rosch 1993) l’histoire de chacun, leur expérience, y compris les mathématiques. L’interaction, au centre du modèle, correspond à un processus d’adaptation résultant des coordinations des coordinations de l’agir entre l’enseignant, l’élève et l’environnement (Maturana & Verden-Zöller, 2008).

Dans le cadre de ce projet, les outils théoriques et méthodologiques issus de la Double Approche (Robert & Rogalski, 2002) nous permettent d’explorer les régularités et les variabilités des pratiques en situation, considérant les enseignant.e.s dans leur singularité ainsi que dans leur appartenance à une institution imposant à leur métier des caractéristiques particulières, des façons de faire, des ressources et des contraintes.

3. Méthodologie exploratoire pour l’analyse des pratiques enseignantes

Notre méthodologie exploratoire est inspirée des recherches s’appuyant sur le cadre de la Double Approche. Elle nous permet d’observer et d’analyser les activités des enseignant.es participant à notre projet de recherche. Dans le cadre de cet article, nous analysons les interactions d’une des enseignantes avec ses élèves, les activités qui en découlent, ainsi que les contextes social et institutionnel (et leurs contraintes) qui déterminent son métier (Robert, 2008). Deux objectifs guident notre méthodologie : 1) Approcher des éléments des composantes et des contraintes qui pèsent sur les pratiques d’une enseignante travaillant dans une classe où les élèves présentent des troubles de langage; 2) Repérer les moyens langagiers privilégiés au cœur de ses pratiques afin de déclencher l’activité mathématique de ses élèves.

3.1.Méthode de collecte de données

Dans le cadre général de notre projet, deux ou trois séances de classe de mathématiques sont filmées pour chaque enseignant.e dans le but d’analyser l’activité mathématique des élèves - les tâches effectives - (Leplat, 1980) résultant des coordinations des coordinations de l’agir dans la classe. Avant chacune de ses séances, un entretien est réalisé avec l’enseignant.e afin de connaître les tâches - intra mathématiques ou extra mathématiques - qu’elle souhaite proposer à ses élèves afin de déclencher une activité mathématique. Lors de ces rencontres il est aussi question de discuter de la façon dont l’enseignant.e souhaite organiser la classe afin de favoriser ses interactions avec ses élèves ainsi que des stratégies et conduites des élèves qu’elle anticipe relativement à la tâche proposée. Un autre entretien avec l’enseignant.e a lieu après la séance filmée et permet de mener une analyse a posteriori de premier niveau afin d’observer et d’analyser ce qui s’est passé dans la séance. Il s’agit notamment d’un processus de réflexion qui place l’enseignant.e face à sa propre activité et lui donne la possibilité d’expliciter sa pratique, les choix qui la guident et donc de mieux comprendre l’influence de certaines contraintes.

En tout, six enseignantes ont été rencontrées lors de deux ou trois séances de mathématiques. Nous présenterons ici les résultats d’une partie de l’analyse de la pratique d’une des enseignantes participant au projet (Élyse).

3.2.Méthode d’analyse

Afin, d’une part, d’approcher des éléments des composantes spécifiques de la pratique de cette enseignante et, d’autre part, d’analyser les moyens langagiers qu’elle préconise dans l’action, notre analyse se déroule en trois temps. D’abord, l’analyse du projet de l’enseignante cherche à rendre compte « des choix et organisation a priori des contenus, ainsi que des formes de travail prévues » (Chesnais, 2009, p. 93)2. Ensuite, l’analyse des observables nous permet de qualifier les types d’interactions observées dans la séance réalisée. Enfin, l’analyse des moments-clés de la séance à partir des observables identifiés et de notre modèle de l’activité enseignante nous permettent d’analyser les moyens langagiers privilégiés par l’enseignante.

3.2.1. Analyse du projet de l’enseignante

Cette analyse porte sur les choix de l’enseignante concernant la forme que prendra la séance à observer ainsi que sur les contenus mathématiques et sur la façon dont elle souhaite les faire émerger ou les réinvestir dans un contexte non mathématique tout au long de la séance. Au cœur de cette analyse, nous reprenons les propositions de l’enseignante pour rendre compte de ses réflexions concernant les activités possibles des élèves en lien avec les caractéristiques des tâches ainsi que les choix de l’enseignante concernant la forme que prend son enseignement. Cette analyse nous permet ainsi de confronter la leçon effective à la planification qui en était faite, mais également d’avoir accès aux différents choix de l’enseignante (concernant les tâches, l’organisation du travail, etc.) ainsi qu’aux raisons qui les motivent.

3.2.2. Analyse des observables au sein de l’atelier de cuisine

Nous réalisons un découpage par épisodes comprenant à la fois le scénario de la leçon anticipé par l’enseignante (Kermen & Barroso, 2013), ainsi que les épisodes qui émergent de façon imprévue ou qui sont des allants de soi de la pratique enseignante (distribution du matériel, rappel, etc.). Il s’agit d’actions qui ne sont pas mentionnées dans le cadre des entretiens préalables.

Ce second niveau d’analyse concerne ce qui, dans le cadre de la double approche (Robert & Vivier, 2013), est qualifié d’observables. Ainsi, les formes de travail et les types d’interactions entre l’enseignante et ses élèves sont identifiés comme des observables dans ce deuxième temps d’analyse.

3.2.3. Les formes de travail

Nous dégageons les différentes formes de travail qui prennent place au cours d’un épisode. Nous empruntons cette dénomination à Kermen et Barroso (2013). Nous avons d’ailleurs bonifié la classification des auteurs pour rendre compte de la variété des formes de travail repérées lors de nos observations : collectif dialogué, faux collectif dialogué (une organisation où l’enseignante ne s’adresse qu’à un élève à la fois tout en gardant l’ensemble du groupe captif), monstration, travail en dyade (ens-élève) et travail en dyade (élève-élève).

3.2.4. Les types d’interactions se manifestant dans le langage à l’intérieur des différentes formes de travail

Les formes de travail évoquées ci-dessus comportent diverses interactions langagières que nous regroupons en cinq catégories d’observables non mutuellement exclusives, inspirées de différentes recherches concernant les pratiques enseignantes (Brousseau, 1986; Pariès, Robert & Rogalski, 2009; Petitfour, 2015) :

Les aides apportées peuvent être procédurales, constructives ou compensatoires. Les aides procédurales sont ponctuelles et agissent directement sur la tâche prescrite (plan initial) dans le but de la diviser en d’autres tâches plus simples ou de mettre l’accent sur la bonne méthode de résolution (Pariès, Robert & Rogalski, 2009). Les aides constructives se produisent sous forme de questionnement alimentant la réflexion de l’élève dans un but de construction des connaissances (Pariès, Robert & Rogalski, 2009). Finalement, les aides compensatoires visent à compenser une difficulté ou un handicap de l’élève. Si les aides procédurales visent la segmentation de la tâche pour en faciliter la prise en charge par l’élève, les aides compensatoires sont, quant à elles, dirigées vers l’élève (son handicap). Elles visent à contourner les tâches extra-mathématiques qui pourraient ralentir la progression de l’activité de l’élève, vu sa condition (Petitfour, 2015). Dans le cas d’élèves présentant des difficultés langagières, les aides compensatoires peuvent prendre la forme de reformulations (des consignes, des questions, etc.) ou encore de modélisations, l’utilisation d’un logiciel et la prise en charge de certaines tâches par l’enseignante (prendre une mesure avec la règle, par exemple).

La tentative d’enrôlement dans la tâche globale constitue un moment au cours duquel l’enseignante tente de relancer l’activité des élèves. Cette tentative porte sur le projet dans sa globalité (interventions comportementales, par exemple).

La tentative d’enrôlement dans l’activité mathématique est directement centrée sur l’objectif et les contenus mathématiques en question (reformuler la consigne, poser une question en lien avec le contenu travaillé).

Le glissement métacognitif (Brousseau, 1986). La connaissance mathématique visée est évacuée et remplacée par des descriptions métalangagières (par exemple, expliquer l’usage, la nature du matériel de manipulation).

Finalement, les interactions autour d’objets mathématiques interviennent de façon transversale aux interactions langagières mentionnées ci-dessus. Sont ainsi repérés les moments au cours desquels l’enseignante mentionne (explicitement ou non) les objets mathématiques prévus (ou non anticipés).

Cette analyse détaillée des catégories concernant les formes de travail et les types d’interactions nous permet de repérer des « moments-clé » (cf. infra). C’est à partir de ces moments que nous étudions, dans un troisième niveau d’analyse, l’activité mathématique des élèves en lien avec les contraintes et les logiques d’action qui influencent la pratique de l’enseignante.

3.3.Analyse des moments-clés

Les moments-clés correspondent à des laps de temps au sein desquels l’objet mathématique est au cœur de l’interaction. Ainsi, nous identifions les moments-clés selon les séquences où, par exemple : une question est posée en lien avec une tâche mathématique ; l’enseignante ajoute des sous-tâches mathématiques visant l’enseignement ou le réinvestissement de certains objets mathématiques ; l’activité des élèves rend compte d’un travail mathématique a minima ou a maxima (Robert, 2008) selon leur appropriation des possibilités offertes par la tâche ; ou encore, un glissement de l’enjeu de la tâche se produit. Une fois identifiés, les moments-clés sont analysés à la lumière du modèle présenté dans la figure 2. Une partie des éléments des composantes de la pratique enseignante sont reconstitués au sein des analyses à partir des informations collectées grâce aux entretiens effectués après la séance, mettant en lumière différentes contraintes ou ressources. Ces analyses a posteriori permettent, d’une part, de décrire des logiques d’action qui permettent un nouveau regard sur l’activité de l’enseignante et, d’autre part, de repérer des enjeux mettant en relation les différents types d’interactions dans le langage.

4. Résultats : le cas d’Élyse

4.1.La classe

Élyse travaille dans une école à vocation particulière située à Montréal. Cette école accueille des élèves de 12 à 21 ans qui présentent, entre autres, une déficience intellectuelle (moyenne à sévère), un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience auditive. La classe d’Élyse regroupe 5 élèves ayant une surdité partielle ou profonde. Le moyen de communication en classe est donc principalement le langage des signes (LSQ). Toutefois, elle accompagne sa communication signée par la parole, puisqu’un des élèves présente un reste auditif. Ils suivent le programme PACTE Programmes d’études adaptés avec compétences transférables essentielles (MELS, 1997) et DÉFIS Démarche éducative favorisant l’intégration sociale (MELS, 1996). Ainsi, les compétences visées se trouvent notamment au niveau de l’intégration sociale des élèves (vie domestique, croissance personnelle, éducation à la santé, etc.). Les contenus disciplinaires abordés par ces programmes sont élémentaires tout au plus (par exemple : compter jusqu’à 99, trouver une page dans un livre, etc.).

Élyse a suivi une formation en enseignement en adaptation scolaire et sociale (volet intervention au secondaire). Il s’agit d’une formation généraliste. Elle n’est donc pas spécialiste en mathématiques. Lors de sa participation à notre projet de recherche, elle supervise des stages internes et réalise des ateliers de cuisine et de jeux. À travers ces ateliers, dont elle a la liberté de choisir le contenu, elle souhaite investiguer ou approfondir les connaissances mathématiques de ses élèves. L’objectif de ces classes est principalement de préparer les élèves à devenir des citoyens adaptés et autonomes, dans une certaine mesure (pouvoir prendre le bus seul, par exemple). Les différents cours suivis par les élèves sont ainsi, pour la majeure partie, orientés vers l’atteinte d’objectifs « pratiques » ancrés dans le quotidien à travers lesquels des contenus disciplinaires sont intégrés.

4.2.Analyse du projet de l’enseignante : reconstitution de la séance

L’objectif de la séance annoncé aux élèves est la préparation de brioches pour le café du lendemain. Cette tâche non mathématique sera l’occasion pour l’enseignante d’investiguer et de réinvestir des connaissances mathématiques chez ses élèves. Elle souhaite déterminer si ses élèves maîtrisent la notion de fraction ½, et souhaite réinvestir des procédures élémentaires de dénombrement. Ses choix s’inspirent de la planification de l’évaluation des compétences proposée par les programmes DÉFIS (MELS, 1996) et PACTE (MELS, 1997) qui déterminent les contenus d’enseignement en adaptation scolaire (ce qui alimente les composantes institutionnelle et sociale de sa pratique enseignante).

Elle utilisera comme matériel une fiche présentant les outils et les ingrédients à utiliser pour la préparation des brioches avec le pas-à-pas (les instructions) de la préparation. Cette fiche sera présentée au TBI tout au long de la séance (Annexe). Pour l’enseignante, le support imagé (forme non-verbale du langage) est fondamental, car même si les élèves suivent une procédure presque identique pour chaque recette, ils ont, selon elle, besoin d’avoir un rappel permanent des consignes. Il s’agit, dans les termes de l’enseignante, « de toujours montrer ». Par exemple, s’ils doivent découper une pâte à tarte en deux parties égales, il faut afficher une image de la pâte avec un trait rouge indiquant l’emplacement de la coupe à faire, « juste au milieu3 ».

Élyse prévoit présenter la tâche « préparation de brioches pour le café du lendemain » à ses élèves en trois temps:

  • Épisode 1 - Introduction : afficher au tableau l’image d’introduction à la tâche (annexe) et interroger les élèves sur ce qu’ils ont fait par le passé et ce qu’ils feront aujourd’hui afin de mobiliser des savoir-faire déjà établis (remplir une demie tasse graduée, couper en deux parties égales, etc.).

  • Épisode 2 - Présentation des ingrédients, des outils et du pas-à-pas de la préparation. Concernant le dénombrement, il s’agit d’observer les possibilités des élèves de mettre en relation le cardinal d’une collection déterminée d’objets et le nombre d’éléments qu’elle contient. L’enseignante, considérant que le niveau mathématique de ses élèves est très élémentaire, anticipe une mise en fonctionnement de connaissances anciennes élémentaires : un comptage (parlé) appuyé sur le non-verbal gestuel (comptage avec les doigts) ou imagé (fiches projetées au tableau) ainsi que des mises en correspondance terme à terme par manipulation du matériel mis à disposition (agir), cela avec ou sans erreur de coordination (Gelman et Gallistel, 1978; Gelman et Meck, 1983).

  • Épisode 3 - Préparation des brioches : l’enseignante souhaite travailler la notion de demie4 lorsque les élèves coupent la pâte (un demi d’un morceau de pâte), ou utilisent la tasse graduée5. Elle appréhende que ses élèves n’ont pas les moyens de comprendre la notion abstraite de fraction, même pas d’un demi. Selon elle, il s’agit à chaque fois d’une mise en fonctionnement de connaissances nouvelles dans des tâches simples et précises (Robert & Vivier 2013) : « Souvent je vais leur dire [de couper] au milieu et je vais leur montrer. Si j’insiste sur deux parties égales, je les ai perdus ». Elle anticipe que ses élèves vont se fier soit aux divers supports visuels faisant référence à un objet séparé en deux parties égales par un trait rouge (annexe, partie 1 étape 2), soit à ses propres gestes pour reproduire le découpage de la pâte en deux. Ces précisions données par l’enseignante nous permettent de penser il n’y aurait pas, a priori, un réinvestissement de la notion d’un demi tel qu’elle le souhaite, car son projet semble ne faire référence qu’à la notion appliquée ou courante de milieu. Plus précisément, en découpant la pâte il n’y aurait qu’une référence implicite au plan médian partageant un objet 3D en deux parties égales. Reste à voir si et comment la notion de demi en tant qu’opérateur de partage pourrait émerger en cours de route lors des interactions entre l’enseignante et ses élèves.

4.3.Reconstitution du déroulement de l’épisode 3 de la séance 1 : description de l’épisode et analyse des observables de la pratique de l’enseignante

De façon générale, la préparation de brioches se déroule selon le canevas anticipé malgré le fait que l’enseignante ajoute des sous-tâches mathématiques de façon spontanée. Il s’agit d’ajouts cohérents avec son intention (déclarée en entretien a priori) de maximiser la rencontre d’objets mathématiques par ses élèves. Les tâches identifiées concernent des objets mathématiques faisant référence au dénombrement (d’ustensiles, de morceaux de pâte) et à la comparaison de collections (des brioches ou des morceaux de pâtes). La comparaison visant à reconnaître l’équivalence d’une collection ou de deux quantités résultant de la partition d’une grandeur continue (la pâte à brioche), s’avère une tâche récurrente, qui remplace ce qui avait été souhaité a priori par l’enseignante, soit le réinvestissement de la notion d’un demi. Nous précisons que cette notion (partager en deux parties équipotentes) ne pouvait pas être travaillée par le biais de la tâche de découpage proposée (objectif évoqué dans le projet de l’enseignante), puisque la tâche ne portait que sur des procédures de découpage ou de comparaison.

Tableau I Tableau descriptif des formes de travail privilégiées lors de l’épisode dans la séance 

Épisode 3 : Préparation des brioches
Prédominance d’un faux collectif dialogué avec un travail en dyade tour à tour (ens-élève).
Aides procédurales à visée compensatoire par rapport aux difficultés de l’élève.

Le matériel est maintenant disposé sur la table et l’enseignante projette au tableau le pas-à-pas (Annexe). Il s’agit de découper la pâte à brioche. Elle montre l’image affichée au tableau et dit : « on coupe en combien ? » Elle prend la pâte et demande à un élève à la fois : « on coupe où ? » Elle ajoute : « il faut que ce soit égal ».

Sous-tâche 1 : Découpage en deux parties égales : pareil ? Pas pareil ?
Faux collectif dialogué.
Comparaison de quantités.

L’enseignante donne la pâte à une élève avec le couteau et lui demande d’effectuer le découpage en deux parties égales. Elle reprend les morceaux découpés par l’élève et dit : « là c’est égal (elle pointe les morceaux) 1, 2 ». Élyse fait circuler la pâte afin qu’un par un, les élèves la découpent pendant que les autres restent passifs. Lorsque la pâte est coupée en deux, l’enseignante annonce qu’il faudra encore une fois la couper en 2 en ajoutant : « je vais te l’expliquer parce que c’est difficile ». Elle va alors modéliser le découpage des deux parties en deux (aide compensatoire : Modification de la tâche initiale. Modélisation directe. Prise en charge de la tâche). Ensuite elle montre les morceaux de brioches et demande : « est-ce pareil ? » Elle fait compter chacun leur tour le nombre de brioches découpées.

Sous-tâche 2 : Comptage de brioches en deux temps à des fins de comparaison des quantités entre les images affichées au TBI et les brioches préparées sur la table.
Faux collectif dialogué.
Comparaison de collections.

L’enseignante projette la prochaine étape au tableau et fait compter le nombre de brioches affichées (4). Elle fait aussi compter le nombre de morceaux de pâte sur la plaque (7) et demande à chacun de les comparer. Élyse reformule plusieurs fois sa consigne. Elle demande à une élève : « Où il y en a le plus ? » en signant le pouce vers le haut à un élève qui donne tout de suite la bonne réponse. Ensuite elle s’adresse à une autre élève : « ici c’est moins ou plus que là ? Il y en a combien ? (elle pointe chacune des collections) Là, plus ou moins que là ? Lequel est le plus grand (pause) 4 ou 7 ? » L’élève pointe les 4 brioches affichées au TBI (elles sont bien plus grandes que celles préparées et disposées sur la table). L’enseignante signe les nombres avec ses mains, et demande en pointant le nombre 4 écrit sur une feuille : « ça, plus petit ou plus grand ? ». L’élève montre le « 4 » et l’enseignante lui dit : « c’est le contraire ».

Travail en dyade tour à tour (ens-élève).

Par la suite, l’enseignante prend la plaque et dispose les morceaux de pâte en deux rangées. Elle explique qu’ils devront refaire les étapes précédentes à l’aide d’un nouveau paquet de pâte à brioches. Elle pose encore une fois la question : « en combien on coupe », ce à quoi un élève dit : « en 4 ». Elle revient en haut du document des consignes et montre qu’il faut d’abord couper en 2.

Elle dit : « Combien ? » Un élève répond : « La moitié » (aide procédurale à visée compensatoire: support visuel. Modélisation de la tâche initiale. Prise en charge de l’activité de l’élève)..

L’enseignante insiste sur le découpage en deux. Elle reprend la plaque et dit : « et après ? » et un élève répond « en deux encore ». Les élèves font une coupe juste au milieu de chaque morceau de pâte et ne se réfèrent à aucun moment au pas-à-pas affiché au tableau.

Sous-tâche 3 : Comptage de brioches à des fins de comparaison de quantités en deux temps
Faux collectif dialogué et travail en dyade tour à tour (ens-élève).
Comparaison de collections avec support numérique.

L’enseignante prend une feuille et un crayon et écrit la suite des nombres (1 à 9). Elle compte le nombre de morceaux qui se trouvent alors sur la plaque (11), elle en enlève 2 (aide procédurale à visée compensatoire : retrait de brioches pour obtenir un nombre inférieur à 10 et faciliter la comparaison) puis remet l’image des 4 brioches au tableau. Elle demande à une élève de compter les brioches au tableau et aussi les « brioches » (morceaux de pâte) sur la plaque. L’élève lui dit 4 et 9. L’enseignante écrit les nombres sur la feuille, se tourne vers un élève et demande (aide compensatoire : ajout d’un support visuel (représentation numérique du nombre de brioches) pour faciliter la comparaison et éviter que l’élève ait à recompter) : « lequel il y en a moins [pause] le plus petit c’est lequel ? ». L’élève pointe la mauvaise réponse (le 9). Il s’agit de la même élève qui avait choisi le 4 comme étant le plus grand nombre signé par l’enseignante lors de la sous-tâche 2. Elle s’adresse à un autre élève et lui dit : « ici, il y en a 9 et là il y en a 4 » et elle demande : « lequel il y en a le moins ? Le plus grand c’est lequel, ici ou ici ? » L’élève pointe vers le tableau (4). Elle continue « là y en a combien ? » L’élève répond « 4 ». L’enseignante ajoute, « et ici il y en a 9 », lequel il y en a beaucoup ? » L’élève montre le « 9 » en pointant sur la feuille.

Sous-tâche 4 : Partition d’une quantité discrète en deux parties égales avec un nombre d’objets impair.
Faux collectif dialogué et travail en dyade (ens-élève).
Comparaison de collections et partage équitable impossible.

L’enseignante explique aux élèves qu’il y a un trop grand nombre de « brioches » sur la plaque (15). Elle demande à un élève de répartir également les brioches sur deux plaques : « es-tu capable ? Essaie les deux égales, les deux pareilles ». L’élève les répartit et elle compte en même temps qu’il les dépose sur la nouvelle plaque, l’élève compte également. Elle l’arrête lorsqu’il y en a 6 sur la nouvelle plaque et lui propose de les compter. Élyse voyant que la tâche demandée ne sera pas possible dit : « Ici y’en a combien ? 6, et sur l’autre il y en a 9, c’est-tu pareil ? ». L’élève répond « oui ». L’enseignante repose la question et l’élève répond « oui » encore. Elle réarrange les morceaux sur la plaque en distribuant de la même façon six morceaux dans chacun des plateaux, les trois de surplus d’une des plaques sont placées dans un coin afin de rendre visible la différence entre les deux plaques (aide procédurale à visée compensatoire : mise en exergue visuelle des quantités). L’enseignante recommence à compter avec l’élève et elle redemande si c’est pareil. L’élève répète ce qu’elle dit.

De son plan d’origine, quatre sous-tâches portant sur un objectif mathématique spécifique sont ajoutées.

L’analyse des observables de la séance nous renseigne sur les formes de travail prégnantes dans l’organisation de classe de l’enseignante. À ce sujet, il paraît pertinent de mentionner que la séance se déroule principalement selon une forme de faux collectif dialogué. Les interactions langagières semblent ainsi se limiter à un jeu où l’échange d’information se fait dans un contexte favorisant la prise de parole d’un des interlocuteurs, dans ce cas-ci, l’enseignante. Elle propose à un seul élève à la fois de participer à la tâche. Elle les questionne aussi un à un pour leur faire comparer ou compter la quantité de pâte à brioches coupées. Les étapes sont répétées avec chacun des élèves pendant que les autres restent passifs. Nous constatons que certains élèves (2) sont d’ailleurs plus sollicités alors qu’un des élèves l’est moins que les quatre autres.

Des glissements discursifs (cf. Section 4.3) se produisent tout au long de la séance, que ce soit lors de la reformulation de questions (nous y reviendrons par la suite), que ce soit sur la façon dont l’enseignante fait référence à certains objets mathématiques. Ainsi, le sens des mots employés par l’enseignante n’est pas stable tout au long de la séance.

Du côté des aides apportées par l’enseignante, elles sont compensatoires ou procédurales à visée compensatoire. L’enseignante organise ses interactions en fonction, d’une part, du diagnostic des élèves associé à un trouble du spectre de l’autisme ou à une déficience intellectuelle et, d’autre part, de la difficulté ou de l’incapacité de ses élèves à interagir verbalement. Ce sont ces anticipations qui, comme elle le mentionne lors de l’entretien préalable ainsi que dans l’entretien a posteriori, l’entrainent à toujours préparer un pas-à-pas et un support visuel des étapes de l’activité afin de s’assurer que les élèves puissent suivre.

4.3.Moments-clés de la séance

4.3.1.L’activité de l’enseignante et l’activité mathématique des élèves

Nous nous centrons particulièrement sur l’analyse de l’épisode 3. Nous observons que les interactions semblent principalement centrées sur des objets mathématiques et qu’il y a une cohabitation de deux formes de travail ainsi que la présence de diverses formes d’aide.

  • a. Les formes de travail et leur poids sur l’activité des élèves

L’organisation prédominante de la séance ne permet pas aux élèves de travailler de concert. En effet, ils se mettent à la tâche l’un après l’autre après une invitation explicite de l’enseignante. Ce type d’organisation du travail favorise la passivité des élèves non sollicités. Les opportunités d’interagir avec le milieu sont donc réduites et inégales selon les élèves. En termes de Bauersfeld (1995), elle apparaît, tout au long de la séance, comme étant une experte informée au sein d’un processus qui ne semble pas favoriser la communication consensuelle, et par conséquent, empêche l’activité mathématique des élèves.

  • b. L’improvisation de tâches mathématiques

Voulant maximiser le potentiel d’activité mathématique de sa séance, l’enseignante profite de chaque instant pour introduire des sous-tâches mathématiques. Toutefois, ce caractère improvisé engendre quelques obstacles et changements de sens puisque ces tâches n’ont pas été analysées a priori. En conséquence, elle ne sait pas quels outils didactiques lui permettraient de mieux gérer ce qu’elle tente de mettre en place. Par exemple, dans le cadre de la sous-tâche 4, l’enseignante propose à un élève de répartir également un nombre impair de brioches (15). S’apercevant que la tâche proposée est impossible, elle la modifie en cours de route en réorganisant l’ensemble de brioches ; elle place six brioches dans chacune des plaques et laisse trois brioches dans le coin d’une des plaques. Ces improvisations font en sorte que les sous-tâches ajoutées s’ajustent difficilement à l’objectif visé : la tâche initiale de former deux collections équipotentes est réduite à une tâche de comparaison de collections. Dans ce contexte, les consignes doivent souvent être reformulées par l’enseignante, qui en vient à modifier le sens de sa question dans le but d’obtenir la réponse souhaitée, provoquant ainsi, en cours de route, un conflit entre la tâche et le but à atteindre (voir sous-tâche, 4). L’activité de l’élève est donc prise en charge par l’enseignante qui en modélise le déroulement avant que celui-ci n’ait eu le temps d’agir.

  • c. Les glissements dans le discours

Bien que le principal moyen de communication soit le langage signé, des glissements discursifs interviennent fréquemment lors des interactions. Par exemple, lors de l’improvisation de la sous-tâche 2 - où la visée est de comparer des quantités -, la formulation des consignes complexifie les interactions. En reformulant sa consigne à six reprises, Élyse change trois fois la tâche proposée en l’espace de quelques secondes. Les changements de consignes modifient la réponse attendue, créant une difficulté pour la réalisation de la tâche par l’élève. Entre savoir dans quelle collection il y en a le plus, combien il y a d’éléments et demander si une collection est plus petite ou plus grande, elle modifie une tâche de comparaison de quantités discrètes vers une tâche de comparaison de la taille des éléments. Lorsqu’elle demande en dernier si « c’est plus petit ou plus grand », il est difficile d’affirmer que l’élève ne peut comparer deux collections. Sa réponse pourrait s’avérer correcte, car les brioches affichées au TBI sont effectivement bien plus grandes que les morceaux de pâte découpés sur la table. Les fréquentes modifications des tâches dans son discours brouillent l’enseignement (y compris le réinvestissement) des objets mathématiques qu’elle souhaite offrir à ses élèves.

  • d. L’articulation de ressources

Dans le cadre de la sous-tâche 3, outre la reformulation des consignes qui fait dévier le sens de la tâche, certains déplacements de sens se produisent entre les différents types de ressources qui sont mobilisées par l’enseignante. Cette sous-tâche est proposée par l’enseignante à la suite d’une réponse considérée erronée à la tâche précédente. Elle introduit ainsi une tâche de comparaison de quantités discrètes dans laquelle elle fait jouer trois types de représentations : visuelles (les brioches au TBI), concrètes (les morceaux de pâte sur la plaque) et numériques (la suite numérique). Dès lors, l’enseignante fait coexister différentes représentations dans le but d’aider l’élève à se représenter les quantités : écriture de la suite numérique de 1 à 10 ; écriture des nombres (4 et 9) sur la droite ; faire compter les brioches ; demander à la fois « où il y en a moins » et « où est le plus petit ». Ces différentes représentations, ajoutées aux consignes changeantes permettent une pluralité de réponses qui dépendent fortement de la façon dont l’élève interagit avec le milieu qui lui a été proposé : quelle tâche s’est-il/elle approprié ? « La bonne réponse » pourrait s’exprimer soit en considérant la grandeur des éléments (les représentations visuelles au TBI et le matériel concret sur la table) soit en termes de cardinalité (en s’appuyant sur ses connaissances sur la suite numérique). Ce conflit non anticipé dans l’introduction de la tâche amène l’élève à essayer de deviner le type de comparaison souhaitée par l’enseignante.

  • e. Les aides

La reformulation des consignes ainsi que les modélisations successives nous renseignent sur la volonté de l’enseignante de favoriser la réussite des élèves. En effet, appréhendant la difficulté des élèves à réaliser une tâche de comparaison, l’enseignante reformule ses questions avant même que l’élève ait répondu. Toutefois, ces dispositifs d’aides s’avèrent parfois superflus. Une illustration particulièrement marquante de cette affirmation est un élève (celui qui n’est presque jamais sollicité et qui est considéré comme un des plus faibles du groupe) qui, pendant qu’elle interagit avec un autre, prend la plaque et le couteau et commence à couper correctement la pâte, sans regarder au tableau. En fait, aucun élève ne semble se référer au tableau, l’enseignante est la seule qui en fait mention. Or, les actions des élèves, loin d’être hésitantes, sont assurées lorsqu’ils découpent la pâte « au milieu, en deux parties égales ». Les élèves semblent avoir internalisé une procédure de découpage, mais le poids du diagnostic freine l’enseignante qui ne considère pas aller au-delà du découpage en deux.

In fine, Élyse anticipe que le langage parlé n’est pas suffisant pour s’assurer de la compréhension de ses élèves. Elle a donc prévu d’autres formes de médiation entre les élèves et la tâche à réaliser qui se traduisent principalement sous forme d’aides anticipées (des explications appuyées sur des ressources visuelles) ou improvisées (des reformulations, des questionnements). Cependant, leur contribution effective à l’activité mathématique des élèves reste incertaine.

4.3.2.Des contraintes et des logiques d’action qui influencent l’activité mathématique

Nous identifions des contraintes institutionnelles et sociales, des modes opératoires et une diversité d’interactions langagières au sein de la classe d’Élyse. En effet, des déterminants institutionnels et sociaux spécifiques à l’enseignement pour des élèves présentant des difficultés guident la pratique d’Élyse. Par exemple, l’impératif de « s’adapter à leurs besoins », l’individualisation de l’enseignement et le besoin d’une utilité concrète des notions abordées influencent les aides et les formes de travail préconisées par Élyse. Ces déterminants rendent compte, non pas de référents didactiques en lien avec les objets mathématiques en jeu, mais de représentations partagées (Giroux, 2013; Fontaine, 2008; Roiné, 2009; 2014) portant sur les caractéristiques diagnostiques des élèves.

L’intention d’adapter l’enseignement aux capacités anticipées des élèves (en lien avec leur diagnostic) fait en sorte que l’activité de chacun se réalise de manière indépendante, malgré le produit final à réaliser en équipe, soit la préparation de brioches pour le café du lendemain. En effet, lors de la séance observée, les élèves interagissent avec l’enseignante à tour de rôle, mais pas entre eux (faux collectif dialogué. cf. Section 4.3.a). D’une part, cette organisation cherche à assurer la participation et la réussite de chacun (individualisation de l’enseignement) et, d’autre part, il s’agit d’un moyen employé par l’enseignante pour mieux observer les connaissances mises en œuvre par les élèves dans chacune des tâches. Les élèves coordonnent leurs actions dans un espace où les interactions langagières sont fortement guidées par les choix de l’enseignante cherchant à donner le maximum d’informations et à restreindre autant que possible les difficultés pouvant se présenter à ses élèves.

Pour l’enseignante, le support langagier non-verbal est fondamental au cours de son enseignement. Elle fait, à de nombreuses reprises, référence au langage non-verbal imagé affiché au tableau6 et au fait qu’elle répète plusieurs fois les consignes et les étapes à réaliser par le langage signé et par des gestes modélisant le langage parlé. Notamment, lors de l’entretien préalable à la séance observée, l’enseignante appréhende les répétitions dans sa pratique ainsi que les modalités de mise au travail de ses élèves :

En fait, je vais faire ce que je fais tout le temps. Je vais le faire avec eux, mais ils vont avoir l’image sur le TNI (tableau noir interactif) de […] je mets une flèche d’où il faut le couper et à partir de ça, ils sont capables de le couper en deux, correctement.

Nous avons pu observer que les élèves ne se servent pas toujours des images affichées au tableau. Ce n’est le cas ni pour toutes les tâches mathématiques ni pour les tâches extra-mathématiques ou quotidiennes qui se réalisent au cours de la séance. Par exemple, un élève a pu sans aucune aide complémentaire sous forme de langage verbal (parlée) ou non verbal (visuelle) se lever pour aller laver ses mains, jeter un déchet à la poubelle ou allumer un ordinateur. Compte tenu de ce qui précède, il semble nécessaire d’interroger la pertinence de certains supports langagiers non verbaux vis-à-vis de leur contribution effective à l’activité mathématique des élèves présentant une déficience auditive (cf. Discussion). Quant aux logiques d’action de l’enseignante concernant l’activité mathématique des élèves, elle adapte son activité en adéquation à sa représentation des possibilités pour ses élèves (présentant une déficience intellectuelle ou un trouble de spectre de l’autisme) de s’approprier ou d’effectuer différentes tâches. La planification de la séance par l’enseignante confirme ce constat. Par exemple, elle nous explique dans l’entretien préalable à la séance filmée, que la mention du concept des quarts était hors de question étant donné la difficulté d’appropriation que cette notion pourrait entraîner chez ses élèves. D’ailleurs, elle aménage le milieu pour que les élèves ne se voient pas confrontés à des moments de déstabilisation. Ainsi, lorsqu’un élève propose un partage en quatre, l’enseignante retourne immédiatement à la procédure préétablie de « couper en deux, puis en deux » ou lorsqu’elle repère un moment pour introduire une sous-tâche de comparaison, elle modifie le milieu en enlevant des brioches du plateau afin que les élèves n’aient pas à comparer des quantités supérieures à 10 (cf. Sous-tâche 3).

5. Discussion

La double approche ainsi que nos fondements épistémologiques maturaniens, nous permettent d’approcher les pratiques enseignantes à plusieurs niveaux. Cela nous permet de mieux comprendre les actions de l’enseignante ainsi que d’analyser la manière dont ses logiques d’action (en référence à ses choix personnels) et les contraintes institutionnelles et sociales s’articulent entre elles.

L’identification de différents observables comme les formes de travail, les aides et les glissements dans le discours, permet de repérer chez l’enseignante, tout au long de la séance, des modes opératoires récurrents, de rapporter les actions aux analyses préalables de ses choix, mais également, de repérer les moments où les interactions concernant les objets mathématiques pourraient être particulièrement riches. Le dispositif méthodologique construit à la lumière de nos postulats théoriques permet l’étude de l’activité de l’enseignante en trois temps (a priori, in situ et a posteriori) et ainsi, rend compte de la complexité des interactions qui ont lieu au sein d’une classe.

À ce sujet, l’analyse de la pratique de cette enseignante nous permet d’entamer l’étude de l’influence des représentations des caractéristiques (diagnostiques) d’élèves sur ses façons d’agir lors de la mise en œuvre d’une séance consacrée au réinvestissement de notions mathématiques élémentaires. Certaines des adaptations faites afin de surmonter les obstacles langagiers constituent des dispositifs d’aides qui sont réfléchis en fonction du déficit de l’élève plutôt que selon le potentiel de la tâche à favoriser l’activité mathématique. En d’autres mots, ce sont les diagnostics des élèves qui orientent les actions de l’enseignante et non un milieu d’apprentissage conçu pour déclencher des actions mathématiques de la part des élèves vis-à-vis d’un objet de savoir en tenant compte de certaines limites langagières.

Du côté de l’analyse de l’activité mathématique des élèves, les analyses du discours et des interactions entourant les objets mathématiques, éclairées par l’analyse contextuelle, sociale et culturelle liée à leur condition d’élève identifié handicapé, nous permettent de constater que le manque de moyens didactiques pour concevoir et ensuite pour mieux gérer le déroulement des tâches, amène l’enseignante à principalement essayer de compenser les déficits des élèves pour ainsi tenter d’aboutir à une réussite immédiate. Les élèves ont ainsi adapté leur activité à un milieu qui leur demande principalement de suivre des consignes ou de répéter des actions.

À la lumière de nos résultats, nous constatons que les contraintes sociales et institutionnelles entourant la pratique observée en éducation spécialisée favorisent une entrée dans la tâche mathématique par le déficit de l’élève plutôt que par son potentiel d’apprentissage. Ceci semble avoir un impact à la fois sur les interactions en séance et sur le choix du contenu qui vise le développement de compétences dites minimales (souvent restreintes au domaine numérique tel que nous l’avons observé). La richesse potentielle des tâches proposées pour déclencher une activité mathématique se voit alors réduite, malgré la volonté de l’enseignante de la favoriser. Cela a été exprimé non seulement par Élyse mais aussi par l’ensemble des enseignantes avec qui nous travaillons. À ce propos, la classe d’Élyse n’est donc pas un cas isolé dans le contexte de l’éducation spécialisée au Québec (Barrera-Curin, R. I., 2016-2019).

Nous proposons donc ici un premier pas, fondamental, dans l’étude des pratiques enseignantes dans le contexte de l’éducation spécialisée au Québec, nous permettant de mieux en comprendre leur complexité et leur potentiel. Notre recherche fournit également aux enseignantes participant à ce projet, une meilleure perception de leurs propres pratiques, déclenchant spontanément lors des rencontres, des éléments de réflexion étayés par des questions sur leur pratique, les conduisant à repenser certaines façons de faire. Nous avons déjà pu observer des indices d’adaptations didactiques lors des deuxième et troisième séances observées.

En tant que chercheures et formatrices souhaitant mieux outiller les enseignant.e.s dans ce milieu éducatif, nos constats nous renvoient à l’important travail qu’il reste à faire. Nos analyses nous amènent à nous interroger sur l’environnement d’apprentissage mis à la disposition des élèves présentant un trouble du langage. Par conséquent, nous devons reconsidérer la formation des enseignant.e.s qui favorise actuellement l’enseignement individualisé en fonction du diagnostic (déficit identifié chez les élèves) et l’impact de ce modèle d’enseignement sur l’inclusion de ces élèves (Barrera-Curin, Bergeron & Perreault, sous-presse). À la lumière de nos fondements épistémologiques nous souhaitons (re)parler d’activité mathématique avec les enseignant.e.s, et travailler avec eux, dans l’élaboration et l’expérimentation de tâches intra ou extra mathématiques ayant du potentiel didactique, au cœur d’un environnement qui favorise les interactions langagières (verbales ou non verbales) avec des élèves présentant des troubles de langage avec ou sans déficience auditive. Il s’agit ainsi de réfléchir avec les enseignant.e.s, par exemple, à envisager l’enseignement des mathématiques dans le contexte de l’éducation spécialisée en termes de potentiel de la tâche et non en termes d’incapacités des élèves.

Concernant les outils didactiques que nous souhaitons partager avec les enseignant.e.s, nous nous intéressons notamment aux conditions particulières à considérer a priori à propos de la mise en relation entre différentes formes de langage de sorte que l’activité mathématique soit enrichie. Par exemple, quelle devrait être la nature des supports visuels ou imagés utilisés par l’enseignante pour qu’ils puissent être significativement associés au geste (par exemple, celui réalisé en langue de signes) ou au langage parlé ? Le fait que, lors de la séance analysée, les élèves ne se soient pas servis du support imagé proposé par l’enseignante ne nous permet pas d’émettre des hypothèses fondées sur nos observations à propos de la mise en relation des formes non-verbale, para-verbale ou verbal du langage. Néanmoins, explorer la mise en relation de métaphores (dans le verbal, le non verbal ou le para-verbal) intrinsèquement associées aux objets mathématiques (Barrera-Curin, Bulf & Venant, 2016), s’avère une perspective intéressante à explorer dans la suite de notre projet.

Bibliographie

Barrera-Curin, R. I., Bergeron, L. & Perreault, A. (2019). Strategies that promote the mathematical activity of students with language disorders: an analysis of language interactions. Proceedings of the 11e Congress of the European Society for Research in Mathematics Education, CERME 11 . Utrecht University : Utrecht. http://www.mathematik.uni-dortmund.de/~prediger/ERME/CERME11_Proceedings_2019.pdfLinks ]

Barrera-Curin, R. I. (2013). Étude des significations de la multiplication pour différents ensembles de nombres dans un contexte de géométrisation. Thèse de doctorat, Paris : IREM de l’Université Paris Diderot - Paris 7. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00765658v2/documentLinks ]

Barrera-Curin, R. I. (2016-2019). Formes de langage en mathématiques et élèves présentant des troubles de communication (trouble du spectre de l’autisme-TSA, trouble du langage, déficience intellectuelle) : impact des pratiques enseignantes sur la réussite scolaire. Projet de recherche en cours financé par les Fonds de Recherche du Québec - Société et Culture (FRQSC). Document inédit. [ Links ]

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1 Nous traiterons au sein de la prochaine section de la définition du concept d’activité mathématique.

2Nous précisons que notre analyse n’est qu’une adaptation de l’analyse a priori proposée par la double approche, étant donné que le projet de l’enseignante diffère des scénarios traditionnels conçus pour l’enseignement des mathématiques.

3Puisque l’image affichée au tableau est une représentation en perspective, la notion de milieu est problématique. En plus, pour un objet 3D, il ne s’agit pas d’un « milieu » mais d’un « plan médian ».

4L’enseignante parle de « une demie » pour faire référence à « un demi ».

5Les tâches concernant l’utilisation de la tasse graduée ne font partie de cet article.

6Il est pertinent de mentionner l’imprécision visuelle et mathématique de certaines images affichées au tableau (Annexe). Néanmoins, étant donné que les élèves n’y ont pas référé au cours de la séance, nous n’avons pas analysé les effets de ces éléments sur les actions des élèves. Revista Latinoamericana de Investigación en Matemática Educativa (2020) 23 (1): 103 - 133.

Annexe

Received: February 05, 2019; Accepted: March 17, 2020

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